Dans «Un livre blanc» (paru en 2007), recherchant des failles poétiques dans la ville contemporaine, le narrateur partait explorer les zones blanches sur la carte d’Ile-de-France, ces parcelles d’inattendu, échappatoires potentielles à des vies de plus en plus normées.
Il retourne ici arpenter ces lieux blancs, et découvre leur disparition, comblés par le trop-plein d’un monde de plus en plus vide : centres commerciaux, sièges sociaux, data-centers et nouvelles églises. Avec eux disparaissent ses fantasmes et une grande partie de ce qui remplissait sa vie.

Désocialisé, sans logement, sans argent, il croise dans ses déambulations, André, un auteur de thrillers à la renommée ternie, qui cherche un nouveau souffle. L’auteur devenu ringard se rêve entrepreneur : avec un manuel de chevet, "Le business plan en clair", André voudrait créer une secte, avec méthode et sans idées. Devenu homme de main de cet apprenti entrepreneur, le narrateur recherche pour lui des lieux et une dramaturgie pour les célébrations futures de cette religion sans croyance, cherchant l’inspiration dans les failles de la ville. Il réalise une analyse du marché des nouvelles religions, étude objective d’un objet détestable, aussi délectable que les précédents livres de Philippe Vasset, le "Journal intime d’un marchand de canons" ou celui "d’une prédatrice".

Arpenteur de la ville en manque d’espaces vierges, le narrateur dérive du projet initial ; il apprend comment crocheter les portes, se fondre dans les groupes, devenir fantomatique pour pénétrer partout. Il occupe des bureaux sans être repéré, fasciné lui-même par sa nouvelle puissance, ce quasi-don d’invisibilité.

«Progressant avec effort sur les structures métalliques qui longeaient les immeubles, je me faisais l'effet d'un avatar pataud de mes héros d'enfance, les Fantômas, Arsène Lupin et autres Rocambole dont les aventures avaient constitué mes premières émotions de lecteur et qui, trente ans après, étaient toujours une sorte d’idéal littéraire tant le mouvement de cette littérature désuète était de dévoiler la ville, chacun de ces personnages manipulant monuments et immeubles comme de vulgaires boîtes, y cachant trésors ou otages et reluquant sans vergogne l’intérieur des appartements.»

Un livre étonnamment poétique et beau, sur l’horreur du marchand, les tentations de la marge, et une forme étrange de réenchantement.

«Écrire avait, pour moi, quelque chose à voir avec l’invisibilité : c’était disparaître pour n’être plus qu’une parole qui suinte des murs, un bourdonnement mêlé aux bruits de la ville, un gout de fumée affleurant soudain sur les lèvres.»
MarianneL
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le 7 oct. 2013

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