Tout ou rien...
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Benjamin Decoin est photographe. Fasciné par la Corée du Nord, il s'y est rendu comme touriste et s'est arrangé pour voler des photos à la barbe de ses guides. L'exercice est bien sûr limité : ne vous attendez pas à une plongée au coeur d'un foyer nord-coréen. Il est cependant intéressant et nuance un peu le portraît de dictateur fou prêt à faire pleuvoir le feu nucléaire qui a été fait de Kim Jong-Un, en le posant en quelque sorte comme l'héritier d'un régime totalitaire.
L'ouvrage alterne des synthèses d'une ou deux pages sur certains sujets et ce que l'on en sait, et de fort belles photos assorties souvent d'une légende qui raconte une anecdote sur les circonstances de la capture d'image.
Au niveau contenu, pêle-mêle : le rappel que l'on est face au seul régime totalitaire dynastique au monde ; le concept de juche (recherche d'une indépendance reposant sur l'autosuffiance et l'autodéfense) ; l'ouverture diplomatique jusqu'aux années 1990 et la fermeture qu'a imposé le président de Corée du Sud Lee Myunh-Bak après son élection ; ce que l'on devine du rôle de l'armée, de l'éducation, de la politique énergétique, de l'ambition incongrue de développer le tourisme international tout en empêchant les contacts avec la population (ce qui implique d'employer des Chinois) ; le sport et le spectacle, nouveaux enjeux de patriotisme développés par Kim Jong-Un, la question des relations avec la Corée du Sud (sort des réfugiés, "zone démilitarisée", incidents militaires à répétition), la vie dans les campagnes, la visite triste d'un orphelinat-village Potemkine, et Pyongang, la vitrine illuminée mais déserte, la nuit.
Au niveau des photos, des réalisations architecturales fort improbables, et surtout des quart de seconde volés au détour d'une prise de vue. Je suis admiratif de la netteté des photos, en dépit du fait qu'il fallait échapper à la vigilance de M. Kim, le guide-garde-chiourme. On voit une agriculture qui rappelle l'Europe de l'est profonde, avec des charrettes tirées par des boeufs, des tracteurs vieux de plusieurs décennies, des tas de kimchi (chou pimenté, base de l'alimentation). Mais aussi l'influence de la Chine (cargo à l'arrêt en attente de déchargement, vitrine de cochonneries en plastique). Les nombreuses mises en scène (comme ce moment où une sortie d'école passe à côté du photographe, visiblement à dessein, pour donner une image fraîche et souriante du pays). Ces groupes féminins ou ces enfants répétant des chorégraphies à la gloire du régime, un sourire qui n'a pas l'air si forcé que ça aux lèvres. Ces chambres d'hôtel miteuses, pourtant au top du luxe vu les standards du pays. Cette incursion à Wonsan, la station balnéaire de la côte est, réservée aux fidèles d'entre les fidèles, la classe supérieure, trop heureuse de pouvoir aller dans une sorte de Walibi. Cette matière textile propre à la Corée, le vinalon, inventé dans les années 1930, difficile à teindre et d'une couleur anthracite.
On ressort de ce livre aussi intrigué que l'auteur, avec l'impression d'avoir fait un voyage en monorail au cours duquel on vous a fermement interdit de descendre en cours de route pour voir les coulisses. L'auteur privilégie plutôt la métaphore du poisson dans le bocal, qui voit le monde à travers une vitre déformante. Nul doute que ce livre poussera certains à sauter le pas, et aller visiter ce pays étrange.
Créée
le 10 sept. 2017
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