Paru en 1983 sous le titre "La danse du coucou", "Été 85" est republié suite à l'élaboration de sa version cinématographique en France.

C'est un roman bâti de manière originale, fragmenté en 117 morceaux, agrémentée de six rapports tenue par mademoiselle Atkins, assistante sociale, avec quelques autres fragments de textes. Pas de chapitres, donc.

Nous suivons "Hal", qui déteste son prénom, Henry, et qui à 16 ans, connait son premier grand amour avec l'énergique et casse-cou Barry Gorman. Hal est en pleine adolescence, ne sait pas comment envisager l'avenir, connait ses premières expériences et connait de grandes réflexions existentielles. Il passera sept semaines avec Barry, avant que celui-ci décède. Ce n'est pas un spoiler: on le sait dès le début. On sait également que Hal a été surpris en train de danser sur la tombe de son ami/amant/patron et qu'on doit maintenant statuer s'il écopera d'une sentence pour cela. L'assistante sociale Atkins devra donc tenter de comprendre les motivations de Hal dans cette affaire et ce dernier, pour tenter de faire comprendre ce qu'il a vécu, écrit le récit de cet été de 1985, à Southend et ce qui en a résulter. Pour faire simple: ce roman EST ce qu'il a écrit à Atkins.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le roman n'est pas centré sur la difficulté des jeunes homosexuels à vivre leur relation, bien qu'on sent une certaine résistance chez le père de Hal et un aveuglement volontaire chez la mère de Barry. On admet l'homosexualité/bisexualité des deux personnages, simplement. Ce roman est surtout centré sur les hauts et bas de l'adolescence, du questionnement identitaire, sur un premier amour passionné, sur une notre humoristique assez charmante. Néanmoins, et l'auteur le notera à la fin du roman: en 1966, les relations gays étaient illégales en Angleterre.
Hal est ce genre de jeune homme intelligent, très introverti, philosophe, peu entreprenant et solitaire, à la recherche de la moitié qui le complètera. À l'inverse, Barry est audacieux, intrépide, extravertie, casse-cou, prêt à essayer à peu près tout et très à l'aise avec son corps. Un duo assez contracté et aussi très complémentaire. Autour de ce duo gravite également le sympathique et sage Ozzy, prof de Lettres assez clairvoyant, et Kari, norvégienne venue peaufiner son anglais et qui se révèle assez fine psychologue. Ces deux personnages sont des facteurs de résilience importants pour Hal, dans sa construction de soi, mais aussi dans son processus de deuil.

J'ai été touchée par cette histoire, qui porte haut et loin plusieurs aspects de l'adolescence, qui, certes, partent d'un jeune homme, mais dont certains thèmes peuvent trouver écho aussi chez les jeunes filles. "Se chercher"est le plus universel des thèmes pour les ados, car c'est quelque chose que nous traverserons tous, à divers degrés. Premier travail, premier amour, questions d'avenir, études, amis, famille, on a touche à tout et Hal nous ne parle avec beaucoup de nuances, parfois drôles, parfois cyniques, parfois profondes.

Bien sur, un des thèmes centraux est le deuil: on sait dès le début que Barry meurt, mais maintenant, comment Hal y survivra t-il? Comment cet évènement majeur et terrible le fera t-il évoluer? Comment s'articulera son processus de deuil? Qu'en apprendra t-il? C’est un des aspects du roman que j'ai particulièrement aimé, au-delà du simple fait qu'il est triste de voir cette dyade improbable ainsi séparée.

L'auteur nous explique, dans les cinq dernières pages, quelques faits autours de ce roman. Il faut savoir que l'histoire de ce jeune homme surprit à danser sur la tombe de son ami est véridique et que l'auteur s'en est inspiré pour imaginer l'état d'esprit de ce jeune homme, au-delà de ses actes. De là part donc le personnage de Hal. Ensuite, il explique que le roman fut amorcé en 1966, période où l'homosexualité était illégale.Terminé en 1982, les relations gays étaient devenues légales entre adultes consentants. Le problème? Elles ne l'étaient pas pour les ados de moins de 21 ans. Suite à la parution du livre, qui a fait controverse, l'auteur explique que beaucoup d'ados lui ont écrit . Des ados de tous genres, gays ou non. L'auteur expose quelque unes de ces lettres qu'il a trouvé émouvantes. Finalement, il relate les diverses tentatives de film sur le roman qui ont avortées avant de tomber entre les mains de Francois Ozon, qui a réalisé le film "Été 85" de 2020. Chambers dit avoir été très content du résultat et est heureux de le voir paraitre, quelque 40 ans plus tard.

C'est donc une petite pépite d'or qu'est ce roman. Il touche certainement plusieurs cordes nostalgiques en nous, les plus vieux, et pourrait certainement trouver écho chez nos jeunes, même de nos jours. S'il est classé en rayon adulte, je pense qu'il pourrait aussi convenir aux ados, surtout à partir de 15-16 ans.

P.S: Pour les profs qui me lisent: non, il n'y a pas de scènes hautement sexuelles, c'est un roman pudique là-dessus. Hal ne nous livre pas les détails, mais taquine en disant "qu'on aurait surement voulu y être".

Créée

le 27 juin 2022

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Shaynning

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