Christian Jouhaud, historien reconnu, spécialiste du XVIIe, a écrit un roman déroutant, vif, complexe, drôle et, au grand regret du lecteur, beaucoup trop court. On s'interroge sur les raisons qui poussent un chercheur capable de pondre des pavés sur Richelieu ou Mazarin à jeter l'éponge au bout des 87 petites pages de cette " fiction " qu'il hésite à qualifier de roman, surtout quand les libraires classent son livre avec les titres de psychanalyse. Peut-être est-ce parce que, ne sachant pas comment s'arrêter, il introduit in extrémis un psychanalyste dans son récit... Dommage. On en redemande parce qu'on comprend que l'auteur a distillé un concentré de projets divers dans lequel se côtoient l'approche interdisciplinaire de l'histoire et de la littérature (dont on se permettra ici de laisser la discussion aux séminaires de l'EHESS), la satire qui inspire la littérature de potaches et la nostalgie chassée par la grande porte qui revient avec la poésie de Desnos. On se retrouve face à un chef d'œuvre minuscule dont les ressources sont difficiles à épuiser. Ce René Dartigaud (1941-1998), historien halluciné n'a existé que sous la plume de l'auteur qui suit la trace de son aventure singulière. Pourtant il ressemble comme deux gouttes d'eau à un personnage bien réel nommé Raymond Darricau (1923-1992) et là, on ne sait plus que penser. En tout cas, ce petit livre pourra servir de guide poétique et érudit à ceux qui ne connaissent pas encore les paysages qui s'étendent en bord de Garonne entre Cadillac (du côté du duc d'Épernon) et Malagar (du côté de chez Mauriac) en passant par Sainte-Croix du Mont (où Élisée Reclus, Paul Fauconnet et Élie Faure fréquentaient la maison Schrader aujourd'hui ruinée) et Verdelais, ce Lourdes avant l'heure où Toulouse-Lautrec accompagnait sa mère à la messe (mais il allait au bistrot pendant l'office). Un livre savant, poétique et aussi, comme on voit, un peu touristique.