Un robot est « une machine à l’aspect humain, capable de parler et de se mouvoir ». Bernanos désigne par robots les machines qui remplacent les hommes, car plus productives, plus efficientes. A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les idéologies se sont effacées pour ne laisser place qu’à la technique. Il ne voit que peu de différence entre les Etats-Unis et l’URSS puisque ces deux pays s’enrichissent grâce au capitalisme et à la rationalisation.


Selon Bernanos, l’ère de la technique fait disparaître la notion de Liberté.


La Liberté, au sens le plus large du terme, était ce qu’avaient de plus précieux nos ancêtres. Il y a une opposition radicale entre la technique et la Liberté. D’abord, les penseurs modernes ont substitué à l’homme, l’homo oeconomicus qui ne pensent qu’au profit, égoïstement. Et son égoïsme devrait être un gage de la Liberté individuelle de chacun. Finalement entre un Adam Smith et un Karl Marx, seule la conclusion change, tout le présupposé est le même. Le « progrès technique » n’en est pas un puisque la technique enferme le monde dans un modèle qui utilise l’homme comme une ressource. C’est une ressource parmi tant d’autres, une pièce du rouage interchangeable.


Bernanos enjoint les Français à reprendre à leur compte « notre Révolution » qui est l’exaltation de la tradition française de la Liberté. On peut penser qu’il demande cela aux Français, car en 1947 nous sommes au sortir de la guerre, nous sortions aussi d’une Révolution, nationale, théorisée par le Maréchal Pétain. Comme Bernanos était anti-pétainiste, on peut comprendre sa volonté de supprimer le passé récent de la France ou du moins de le faire oublier. Mais j’ai du mal à comprendre comment communier et la Royauté, il fait référence au Comte de Chambord, et la Révolution de 1789 qui mit fin à celle-ci.


Je comprends que, comme beaucoup d’autres penseurs royalistes et catholiques, il est obligé de concilier la Révolution avec ses convictions personnelles puisqu’elle a permis l’avènement d’un nouvel homme. Mais cela semble inconcevable de critiquer la Renaissance et son amour pour le paganisme romain tout en prônant l’Humanisme et 1789. A moins qu’il ne fasse référence à un humanisme catholique.


Bernanos s’attaque à la conception de Liberté défendue par les Anglo-saxons. Ces derniers pensent que la Liberté vient des institutions, on a là la conception de Locke et Hobbes qui pense que les institutions permettent l’épanouissement de l’homme par le contrat social. Il fait aussi référence à l’isolationnisme américain et à ces fameuses démocraties anglo-saxonnes, extrêmement conservatrices et légalistes.


D’un côté nous avions la Patrie, la mère qui n’impose rien à ses enfants, mais attend qu’ils viennent la défendre contre l’étranger. De l’autre, l’Etat, administrateur et prêt à devenir tyran pour appeler tous les hommes en âge sous les drapeaux. C’est une opposition que nous ne faisons plus aujourd’hui puisque Patrie, Nation, Etat ont été confondus de manière volontaire. Dans nos Démocraties, l’égalité devant la loi devient surtout le contrôle de l’Etat sur tous. C’est une manière pour l’Etat de devenir ce Léviathan, contrôlant tout.


La Liberté apparaît comme un ennemi du monde capitaliste, en effet tout doit être réglé, organisé, écrit dans la loi. La Liberté peut être associée au désordre aujourd’hui, ce qui n’aurait jamais été le cas chez nos ancêtres. Cela oblige donc les gens, docilement, à s’uniformiser.


La civilisation moderne est une conspiration contre toute espèce de vie intérieure. Le progrès technique est loué alors qu’il n’apporte que la destruction selon Bernanos. Certains louent la machine, car elle serait une étape de la vie humaine, mais Bernanos pressent que c’est plutôt le début de la chute de l’Homme. La machine et le progrès technique ont pu être pensés comme la fin de la guerre, car le commerce n’est bien pratiqué que dans des conditions de paix, erreur. Ce qui est arrivé en 1870, 1914 et 1940 a été permis grâce à la machine, à l’industrialisation. La noblesse avait la prétention d’être la seule classe à combattre, sa disparition n’entraîna pourtant pas la fin de la guerre.


On retrouve un discours marxisant, les machines permettent d’accroître la production et donc de créer de l’argent. Or plus les machines vont se populariser et plus les marchands vont faire face à une rude concurrence et quoi de mieux que d’éliminer ses concurrents par la guerre ? La surproduction va immanquablement amener à la guerre. Le commerce et la machine n’amèneront que l’avènement des spéculateurs. Ce qui prendra le pouvoir ce sera l’argent, on retrouve une idée présente dans l’argent de Péguy. La machine a progressé beaucoup trop rapidement pour l’homme, contrairement aux changements antérieurs qui se faisaient sur beaucoup plus de temps. En l’espace de deux siècles, nous sommes passés d’une voiture à cheval à un train.


L’homme, par calque de sa machine, a perdu la conscience du bien ou du mal, en ne suivant que les ordres. Un homme de Pizarro n’aurait sans doute pas été capable de tuer des centaines d’enfants de ses mains, par dégoût de la besogne. Mais un homme moderne peut très bien exterminer des centaines ou des milliers d’enfants du haut de son avion. Les outils, la perfection de l’armement permettent aux êtres humains de ne plus se salir les mains, littéralement, d’où le fait qu’une personne très avenante, amicale puisse avoir tué des milliers de personnes. Quand un mercenaire de la guerre de Cent Ans aurait sans doute eu des réminiscences de ses crimes durant ses nuits de repos. Les massacres ne causent plus de cas de conscience personnel et encore moins collectif, car pour Bernanos une collectivité n’a pas de conscience.


Finalement la machine la plus dangereuse nous dit Bernanos, c’est la machine d’information, ce sont les médias qui bourrent le crâne des gens. Déjà Bernanos disait que les gens étaient submergés par l’information, quelle tête ferait-il en voyant l’ampleur de la masse d’information que nous recevons chaque jour ?


La société moderne détruit la vie intérieure, car cela ne peut être contrôlé. Elle le détruit en occupant l’esprit des personnes, constamment. Elle n’a pas d’idéologie, elle ne donne la primauté qu’à l’action sur tout le reste ce qui peut être une sorte de pragmatisme. Elle combat la pensée, celui qui pense qui se démarque de la masse, le mal pensant.


La société se meurt pour Bernanos, les deux guerres l’ont montré, elle a tenté d’expulser les toxines mortelles qui la pourrissaient, mais n’a pas réussi à le faire. Elle exige et les humains doivent lui donner, elle n’est pas prévue pour les humains mais pour les machines et en demande toujours de plus en plus au nom du Progrès.

Franc_cot
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le 8 févr. 2020

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