Utopie ou Dystopie ?
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le 18 oct. 2013
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5
René Barjavel est un auteur français intéressant. À l’époque où l’on ne parlait pas encore de science-fiction en France, lui écrivait ce roman dystopique. Je vais éviter de vous révéler les rouages du récit, mais, pour planter le décor, il faut nous imaginer dans un Paris futuriste. À cette époque, en 2052, les humains n’ont plus besoin de faire grand-chose puisque les machines fabriquent tout et aident à tout faire.
Il existe une caste de personne extrêmement riche qui peut voyager en quelques minutes à l’autre bout du monde, quand les autres personnes rasent le sol à des vitesses vertigineuses. C’est l’avènement de la technique et de la technologie. Sauf, que l’on se rend rapidement compte que l’homme ne fait plus rien et ne sait plus rien faire. Cela se ressent jusque dans les chairs qui deviennent flasques et grasses et où le muscle n’est pas présent.
Lorsqu’un évènement extraordinaire survient, mettant fin à cette civilisation de la technique — civilisation des machines aurait dit Bernanos — les Parisiens se retrouvent dépourvus et sans défense. Des scènes de pillage et des mouvements de panique ont alors lieu. Quand l’État de droit n’a plus le pouvoir pour faire appliquer sa violence, et que les personnes censées le défendre quittent les rangs alors on peut dire que l’État est mort.
Les êtres humains se retrouvent alors forcés à vivre en groupe afin d’assurer leur survie et surtout leur défense face aux autres groupes devenus concurrents pour l’accès à la nourriture et à l’eau potable.
Heureusement, un homme qui a grandi dans un dernier coin où l’on sait encore cultiver la terre et où les hommes ont des caractéristiques physiques de travailleurs est là pour sauver sa petite troupe. J’amplifie mon commentaire sur le physique puisqu’il y a une nette différence entre le bourgeois, magnat des médias au physique ingrat et non habitué à l’exercice face à celui qui vient de la campagne et a travaillé aux champs.
Bien sûr, il ne faut pas oublier le contexte dans lequel l’auteur a écrit son récit. Nous sommes dans une France vassalisée par les Allemands. Le Maréchal Pétain a mis en place une campagne politique sur les vertus de la terre, un rejet de la modernité et un accent sur la famille et la patrie. Je n’ai personnellement aucun problème à lire des auteurs ayant écrit sous cette période, tout comme personne ne s’offusque de ceux qui font l’apologie des meurtriers Lénine, Staline et autres consorts rouges.
L’histoire se termine sur le héros qui arrive à mener sa troupe, incluant sa promise, dans son village natal. Il arrive ensuite à lancer une nouvelle société basée sur la polygamie, le travail de la terre, la lecture réservée à une élite, les autodafés des anciens livres excluants ceux de poésie. Cela rejoint l’idée que la connaissance doit être maîtrisée par des personnes qui savent l’utiliser. On peut penser aux clercs du Moyen-Age ou aux Brahmanes de l’Inde.
Ce qui est intéressant c’est que Barjavel nous vante un retour à des temps extrêmement anciens. La nouvelle société pourrait nous rappeler l’Ancien Testament. Nous avons le héros qui meurt à un âge canonique et fait des enfants jusqu’à la fin comme Abraham. C’est aussi un patriarche respecté et aimé de son peuple. La polygamie est généralisée puisqu’il y a plus de femmes que d’hommes. On encourage à la natalité, au travail de la terre, on peut voir ça comme une sorte de louange à la fertilité. Finalement, tout le progrès technique et machiniste n’aura été qu’une parenthèse dans l’histoire de l’humanité, qui peut enfin retourner à des mœurs plus en accord avec les principes anciens.
Bien sûr, des lecteurs contemporains ayant une inclinaison pour le progrès sous toutes ses formes pourraient être choqués. J’ai d’ailleurs pu lire des commentaires regrettant la dernière partie qui présente cette nouvelle société. Oui, c’est une vision réactionnaire et on peut penser que Barjavel était en partie d’accord avec les valeurs de cette nouvelle société. Elle n’est pas présentée comme malsaine ni mauvaise a contrario de la société du Paris de 2052.
La dernière partie nous présente un retour à la terre, à la famille. Toute cette tranquillité vient d’ailleurs être dérangée par la technique qui refait surface d’une manière inattendue et tue le héros. Comme si la technique qui avait été chassée essayait de revenir de manière brutale. Comme si la technique ne pouvait que brutaliser et tuer.
On peut toutefois remarquer que la société de 2052 n’est pas exactement celle que l’on peut anticiper aujourd’hui pour cette période. Je m’explique : la France de 2052 a un ministère des cultes avec un archevêque. Tout Paris a été défiguré par la modernité sauf le Sacré Chœur qui est resté. Les Parisiens ayant la volonté de s’expier font une prière catholique dehors. Il en résulte une sorte de punition divine qui propage le feu parmi les pénitents. Il n’a pas anticipé l’évolution de la société, mais à plutôt transposer la sienne en 2052. Néanmoins, les critiques faites à la société des machines, celles de la technique me paraissent pertinentes.
C’est un livre que j’ai grandement apprécié. C’est aussi intéressant de lire un livre d’anticipation des années 1940 et cela m’a donné envie de continuer à découvrir les écrits de Barjavel.
Créée
le 8 déc. 2020
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