Bien décidé à continuer ses expériences avec le concept, Steve Jackson abandonne la fantasy à la papa pour envoyer son lecteur… dans l'espace ! Ce changement de genre a davantage de conséquences qu'on pourrait le croire.
Pour commencer, les règles. La section concernée est plus courte que d'habitude, mais ne vous laissez pas abuser par ce simple fait. Sachez qu'en tant que capitaine d'un vaisseau spatial, vous devez non seulement lancer les dés pour votre personnage, mais aussi pour votre vaisseau (passe encore), ainsi que pour six membres d'équipage (quatre officiers et deux agents de sécurité). L'idée n'est pas forcément bête, mais rendez-vous compte que ça fait vingt-quatre dés à lancer pour avoir le droit de lire le premier paragraphe ! Si vous trouvez que c'est excessif, rassurez-vous : le livre est tellement mal conçu que si vous suivez le bon chemin, ce sont les seuls lancers de dés que vous aurez à faire de toute l'aventure.
(je vous laisse un paragraphe vide pour vous facepalmer tranquillement avant de continuer)
Si encore les membres d'équipage avaient un minimum de caractère ! Hélas, ils sont tout aussi anonymes que le héros habituel des Défis Fantastiques : ils interviennent de temps à autres pour vous suggérer des idées, mais ils le font systématiquement de la manière la plus quelconque qui soit. Le reste du temps, ils se contentent de vous accompagner silencieusement et, parfois, de mourir ; mais comment se sentir concerné par la mort d'une paire de statistiques sur pattes ? Que le personnage principal d'un livre-jeu soit une coquille vide, ce n'est pas problématique, cela aide à donner l'impression qu'on est bel et bien en train de lire un livre dont VOUS êtes le héros (après tout, s'ils insistent sur le « VOUS », il y a bien une raison), mais quand les personnages secondaires ne sont pas plus développés, ça relève soit de la paresse, soit de l'incompétence.
L'aventure en elle-même présente le même diagnostic. Piégé dans une galaxie inconnue, vous êtes à la recherche des coordonnées spatio-temporelles du trou noir qui vous permettra de rentrer chez vous (un « chez vous » dont vous êtes si nostalgique que le texte ne vous en dira jamais rien). Concrètement, il s'agit de bondir de planète en planète en espérant tomber sur des civilisations suffisamment avancées pour qu'elles s'y connaissent un peu en trous noirs. En tout, vous pourrez ainsi visiter une vingtaine de planètes, astéroïdes, stations spatiales, etc. Cette variété de lieux pourrait apparaître comme un point positif, mais elle a une fâcheuse conséquence : afin de pouvoir tous les faire rentrer dans le livre, Jackson est contraint de les réduire au strict minimum en termes de nombre de paragraphes. Pis encore, aucune de ces escales n'est particulièrement mémorable : le style plat de Jackson et les illustrations insipides de Peter Andrew Jones sont strictement utilitaires et n'ont rien de vraiment frappant à offrir. En fin de compte, on se retrouve balloté de planète en planète, réduit à choisir plus ou moins au hasard entre la planète rouge et la planète verte pour la prochaine escale, lesdites escales se résumant généralement à atterrir, se retrouver dans une situation dangereuse, se sortir de la situation dangereuse (ou mourir), éventuellement récupérer des coordonnées spatio-temporelles, et repartir, le tout prenant au grand maximum dix paragraphes. Le plus incroyable, c'est que ce bouquin ne compte que 340 paragraphes au lieu des 400 habituels… et que Jackson trouve quand même le moyen de faire du remplissage avec un labyrinthe gauche-droite mortel à deux balles qui en bouffe quinze !
(un autre facepalm ? je vous en prie)
Pour couronner le tout, la difficulté est absurde. Certes, les combats n'ont aucune importance, mais ce sagouin de Steve a trouvé un autre moyen de frustrer ses lecteurs : il a semé de fausses coordonnées spatio-temporelles un peu partout dans la galaxie. À la fin du livre, il vous demande de combiner une coordonnée spatiale et une coordonnée temporelle. Il y a huit combinaisons possibles, une seule est la bonne, et vous n'avez aucun moyen de deviner laquelle. Les sept autres ? Elles vous tuent. Pour le coup, le titre français du bouquin est bien choisi : cette galaxie est vraiment tragique, j'entends par là que le héros n'a aucune chance d'échapper à la fatalité et d'y survivre.
Dieu que ce livre est mauvais. Je n'avais jamais eu le courage de m'y plonger sérieusement jusqu'à aujourd'hui et je regrette de l'avoir fait. Un bien mauvais départ pour les Défis Fantastiques de science-fiction.