Liberalism is peace, ignorance is strength, socialism is slavery

Assister à un affrontement entre « libéraux » et « socialistes » est une véritable rigolbochade. L’ouvrage La Grande Parade de l’intellectuel français Jean-François Revel illustre assez bien ce sempiternel (et stérile) débat. En effet, il est truculent de constater que chacun des deux camps semble s’accuser … des mêmes maux ! D’un côté comme de l’autre, on se voit comme plus blanc que blanc et pointe l’autre comme étant plus noir que noir. Finalement, les malheurs du monde viennent de l’Autre. Un vrai combat du Bien contre le Mal aux positions interchangeables selon le point de vue.


L’ouvrage du libéral français Revel s’inscrit dans cette optique de diabolisation réciproque. On sent que l’ancien philosophe abhorre plus que tout ce que représente Marx et ses nombreux (pseudo ?) épigones, qu’il est littéralement révulsé au plus haut point par leur doctrine, leur pensée. Et comme tout homme semblant être fanatisé on tombe régulièrement dans la caricature, la simplification, la vision systémique. Revel ne fait pas pour moi exception.
En ce sens, Revel mérite très clairement le trophée du plus gros point Godwin de l’année 2000 en insistant (lourdement) sur le parallèle entre nazisme et communisme (amusant quand on sait que certains font le parallèle entre libéralisme et nazisme), qui seraient finalement les deux faces d’une même pièce ! Des frères presque jumeaux finalement, où la seule véritable distinction acceptable serait une dichotomie entre une politique appliquée clairement annoncée et une autre cachée, qui ferait le contraire de ce qu’elle proclamait. Jean-François Revel, nouvel historien majeur du « totalitarisme » ?
Par la même Revel fait en quelque sorte sentir de manière plus ou moins cachée que le nazisme serait moins « négatif » car fondamentalement plus honnête que le communisme.
Bien entendu, notre cher libéral ne s’arrête pas là, et applique le néologisme de négationnisme aux « pro communistes » aveugles (plus ou moins volontairement) envers les crimes perpétrés par des régimes qui se disent ou sont qualifiés de communistes. Pas de raison qu’on réserve ça aux « nazis » et aux autres pardi !
Notre cher libéral se permet même une tirade assez culottée, dont j’ai peine à trouver à l’intérieur du seconde degré : "Avoir été communiste, c'était avoir été soit coauteur soit complice d'un colossal crime contre l’humanité ».


Bien entendu, et c’est de bonne guerre, Revel expose sous un jour plus que laudatif le « mouvement libéral », et en cela semble clairement trier dans l’Histoire les exemples qui illustrent sa thèse. Les socialistes disent se battre pour les droits sociaux et diabolisent les libéraux ? Mais, enfin ! Il ne faut surtout pas oublier que Bastiat ou Guizot ont pris des mesures ou des tenus des prises de position dans ce sens ! Oui, d’accord d’accord, je veux bien, ces exemples sont sans doute véridiques, mais quid de la recontextualisation historique et des autres libéraux ou même de leurs autres actes ? Ont-ils été toujours aussi attentionné que Revel semble le laisser entendre ? Les libéraux, parangons de la défense des opprimés et pourfendeurs des injustices ? (j’ai une phrase sympathique de Constant sous le coude pour qui veut). Bizarrement, ce n’est pas exactement l’image qu’on peut en avoir (sans doute encore et toujours à cause de la propagande marxiste). Trier dans l’Histoire est une chose aisée, même un communiste pourrait surement faire de même pour illustrer tel ou tel point de sa thèse. Une hirondelle ne fait pas le printemps sait-on d’ailleurs.


JFR s’arrête pendant quelques instants sur des déclarations de Marx, Engels et d’autres pour montrer qu’ils ne sont pas aussi blanc que certains peuvent le penser. Par exemple, il met en exergue des propos antisémites (hum dans un livre où on essaye de mettre sur le même plan nazisme et communisme, vous la sentez la finesse ?). Certes, ils ont tenu de tels propos (déplorables), mais, pourquoi ne parle-t-il pas aussi de certaines prises de position de libéraux sur des sujets, dira-t-on, quelque peu brulants. Heureuse coïncidence, je parcoure actuellement l’ouvrage Contre Histoire du libéralisme du philosophe Domenico Losurdo, qualifié de manière fleurie de « stalinien » par notre camarade gio, qui apprécie particulièrement éplucher les ouvrages écrits par de nombreux libéraux pour mettre en lien ce qui se dit du libéralisme et ce qu’ont dit certains libéraux. Partant de là, que pense Revel de Ludwig Von Mises, un des grands personnages de la sphère libérale, sans doute effrayé par le bruissement social en cours, aurait loué le coup d’état de Mussolini, « sauveur de la civilisation », « le mérite acquis de cette façon par le fascisme vivra éternellement dans l’histoire ».
Que pense aussi Revel du rapport ambiguë entre l’esclavage et le libéralisme, quand tant de personnalités se réclamant de cette pensée furent d’ardents défenseurs de l’esclavagisme, le grand philosophe Locke notamment, à une époque où pourtant, nombreuses furent les oppositions à une telle pratique.


Revel est aussi prompt à balancer des épithètes discriminants gratuits envers plusieurs personnalités sans chercher à critiquer (au sens neutre) leurs travaux. Deux exemples précis peuvent être mis en avant. En premier lieu, l’anathème de « stalinien » (il sort souvent celui-ci) est, il me semble accolé à la personne de l’historien Hobsbawm, qui a surement eu des paroles ou des prises de positions contestables, mais Revel ne rentre à aucun moment, même succinctement dans l’analyse des ouvrages mentionnés. J’appelle cela disqualifier un travail par une attaque ad hominem. Qu’il me dise quels points il réfute dans l’ouvrage, par exemple, de l’âge des empires, ça, c’est quelque chose qui m’intéresse. De même, il évoque le papier de Moshe Lewin sur (entre autre) l’ouvrage ô combien loué par Revel de François Furet « Le passé d’une illusion » dans le (satanique) Monde Diplomatique. Même son de cloche ici, aucun regard critique sur le dit article pourtant assez fourni et intéressant, dont je conseille la lecture à tous et qui mérite (au moins) discussion. Je veux bien que dans un « brulot », un « pamphlet », on soit plus léger, moins « universitaire », mais nous sommes en droit tout de même d’attendre un minimum de sérieux, surtout de la part d’un homme qui vient juger du haut de son trône et condamner de manière aussi tranchée « l’idée socialiste ». Peut-être n’avait-il pas sous le coude d’arguments suffisamment solide à mettre en face de ces deux auteurs …


Dans l’article précédemment mentionné, l’historien Moshe Lewin arguait que :
« Nul doute : la question qui préoccupe tant de gens - pourquoi le socialisme (ou le communisme) s’est-il effondré en Russie ? - apparaît comme un leurre. Pour parvenir à comprendre cette histoire, il faut admettre cette évidence : le socialisme et, a fortiori, le communisme ne sont pas des concepts adéquats. Aussi faudrait-il reformuler la question : qu’est-ce donc qui s’est effondré en Russie ? Voilà de quoi méditer. »
Evidemment, vous vous en doutez bien, notre cher omniscient Revel balaye un tel propos comme Fabius congédiant les dires de son interlocuteur d’un mouvement de main suffisant. Ce n’est que ritournelle sophistique que de mettre en avant une telle idée ! Le responsable, c’est l’idée socialiste, point final, pas la peine d’ergoter pendant des heures et des pages sur une telle question. Tout est plus simple avec JFR. Néanmoins, en étant quelque peu extérieur à ces chamailleries, il s’agit d’un point central. Les régimes désignés (ou auto désignés) comme communistes ou socialistes le furent-ils véritablement ? Peut-on condamner à la damnation éternelle une doctrine que l’on pourrait qualifier de « mal appliquée » ? La socialisme est-il finalement Un, indivisible, monolithique ? Les libéraux se drapent des oripeaux de la vertu d’une soi disante « non idéologie » (ah ah) et d’une grande pluralité mais refusent visiblement ce dont ils se parent à d’autres. Pourtant je n’ai pas l’impression que le Socialisme soi aussi univoque et semblable partout et de tout temps …
Et au contraire, bien entendu, ce qui était attendu arrive, il n’y a pas d’ « idéologie » (ou remplacez par le terme qui vous convient) libérale. Vous pouvez vous échiner à critiquer certaines prises de position de libéraux, mais jamais, ô non jamais vous n’atteindrez le plumage étincelant de l’idée libérale ! On vous l’a dit, le Mal, il est en face.


Beaucoup de bla bla pour ne pas dire grand chose, je sais bien, mais au boulot, dans un bureau, on trouve toujours quelque chose à faire pour échapper à son dur labeur.
J’ai posé quelques mots sur ce qui m’est spontanément venu en tête du souvenir de cette lecture rapide, mais Revel aborde bien d’autres points, plus ou moins en détail. Son ouvrage ne se résume pas à mes quelques phrases. Si je devais mettre en avant le point sur lequel je rejoins le plus JFR c’est bien, il me semble sur les premiers chapitres où il évoque l’attachement et l’aveuglement de nombreux individus envers certains régimes "socialistes" et le fanatisme des militants communistes. C’est assez vrai, plutôt intéressant par moment et avec quelques passages croustillants.


Dois-je maintenant préciser que je ne porte pas la doctrine Marxiste dans mon coeur, pour ne pas être qualifié par les thuriféraires de la Vérité de … stalinien ?

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