Incontournable Janvier 2022


Je remercie les éditions Québec Amérique pour ce service de presse envoyé à ma librairie.


Il faut que je vous parle en premier du titre, que les québecois, à n'en pas douter, vont comprendre les deux références, mais peut-être moins nos amis d'Europe. Bon, j'imagine que la référence à "Star Wars" sera vite reconnue, mais "La guerre des tuques", biffée juste en dessous, est une référence à un film jeunesse culte de la Belle Province, dans lequel des enfants créent une guerre de toute pièce, forts de neige, balles de neige et batailles inclus. Une "tuque" est un bonnet qu'on porte sur la tête en hiver, souvent faits de grosse laine. Ce film met en lumière l'absurdité et les dommages de la guerre, la fin se soldant sur un drame.


Donc, cette entrée en matière faite, qu'est-ce que la "guerre des pupitres"? Dans une classe de 4e année primaire, celle du professeur Olivier, c'est le grand amour. C'est que monsieur Olivier, adepte de l'univers des Jedis, utilise le thème de la Guerre des étoiles pour faire fonctionner son groupe. Et un jour, après un coup de fil, Monsieur Olivier ne revient plus à l'école. Des suppléants se succèdent durant les semaines suivantes, mais le groupe se désorganise et réclame leur professeur tant apprécié que nul suppléant ne saurait remplacer. Bientôt, Michèle, notre protagoniste, rassemble les membres de sa classe pour une riposte. La résistance s'organise et une barricade est érigée. Nos jeunes padawans sont-ils doucement engagées sur la voie qui mène au côté Obscur de la Force?


C'est un petit roman à courts chapitres, ponctué de bonhommes allumettes variant les poses de yoga sur fond noirs pour les pages qui marquent les chapitres, dont les noms sont eux-même des références à la Guerre des étoiles, bien souvent.


Comme je vois très souvent des romans intermédiaires à saveur scolaire traiter de profs invivables et moralement questionnables, ça me fait un velours de voir un prof qui est compétent, créatif et qui aime sincèrement ses élèves. D'autant plus que c'est un jeune professeur masculin, qui sont encore la minorité de genre dans le milieu scolaire. J'adore sa façon d'avoir organiser son système de gestion de classe autours d'un thème comme celui de la Guerre des Étoiles, articulant un système d'émulation positif dans lequel les étudiants gagnent aussi bien individuellement que collectivement des privilèges. En outre, ce système est basé sur le renforcement positif ( ajout d'un avantage), bien meilleur ( prouvé scientifiquement) que la punition positive ou négative ( ajout d'un désavantage et retrait d'un avantage).


Ici, une petite explication s'impose par rapport à ces "suppléants". Au Québec, le système d'éducation publique ( celui qui est gratuit) souffre d'un manque de mains d'oeuvre et aussi d'une bonne gestion. Des groupes éparpillés dans d'autres classes, des enchainements de profs suppléants et des profs qui tombent malades ou quittent subitement, c'est devenu fréquent ( et pas très surprenant). Ce que vivent les étudiants de la classe de Monsieur Olivier est donc assez réaliste quand au contexte actuel des écoles publiques.


Le noeud du problème, à mon avis, est le fait que les enfants de la classe de Monieur Olivier ne sont pas mit au courant de ce qui arrive. Ils ne sont pas inclus dans les décisions, en plus de ne pas savoir ce qui arrive à leur professeur. Pire, cette succession de profs crée un climat chaotique, dénué de routine et favorisant des comportements inadéquats. Certains sont même en forte réaction, comme Cédrik, qui semble être une sacrée bougeotte.


Dans ce contexte, les enfants décident de prendre les chose "en mains", mais leur "stand-up" et leur barricade digne de la Révolution Française ne les aide pas dans leur cause et met même un sacré foutoirs dans leur classe. Comment canaliser leur grogne et leur désespoir?


C'est Karelle, prof de yoga des parents de Michèle, qui va trouver une astuce. Plutôt que de contraindre les élèves ou de leur imposer des règles comme ses successeurs, elle prend plutôt le pari de les écouter. Pas seulement de les écouter sur leur ressentit, mais aussi de parler de leur professeur. Pourquoi leur manque t-il? Pourquoi est-il si formidable? C'est la base en intervention sociale que de faire de l'écoute active, comment pourrions nous comprendre les enjeux autrement? Et surtout, comprendre les émotions que vivent ces enfants laissés sans prof et sans infos, qui relève pas de la simple frustration d'être laissé en plan, mais aussi dans l'ignorance et d'un certain désintérêt. Les enfants ne sont pas cons, ils méritent d'être inclus dans ce qui les concerne directement. Leur opinion est importante et permet même de mettre en place des mesures adaptées.


Ici, la mesure d'adaptation est celle du yoga, puisque Karelle en est un fine connaisseuse. Non seulement elle permet de canaliser les émotions, mais c'est aussi une activité physique, c'est bon pour le corps. Ça ma fait sourire qu'elle soit capable ( et avisée!) de faire un pont entre le yoga et le thème central de cette petite classe. Savoir être un bon Jedi requiert aussi de savoir "entraîner leur force intérieure", comme il le souligne. Un bon point pour elle!


De manière générale, un élément qui m'a interpellé dans ce roman sympathique est cette idée de clivage entre adultes et enfants, en témoigne le paragraphe précédent.
Établir un dialogue et donner des responsabilités à nos jeunes les valorise, ils se sentent importants et inclus. Ils seront donc plus enclin à ne pas prendre les adultes pour de simples figures d'autorité et des rabat-joie. Monsieur Olivier l'a très certainement comprit et mit en application.


Aussi, j'aime que ce soit enfin une FILLE qui soit la meneuse de la classe. Michèle a de l'entregent, un certain aplomb et elle a des idées. Ça fait plaisir à voir! En outre, le groupe a grandi et s'est davantage soudé, dans ce "conflit". Comme quoi même les évènements qui nous semblent négatifs peuvent se solder avec un apprentissage et/ou un avantage.


En fond, nous avons toute l'idée de l'adaptation, avec cette classe sans prof, ce directeur dépassé et ce petit écureuil qui vient écouter la musique du père de Michèle. le changement requiert de l'apprivoisement.


Enfin, j'aime cette idée que les étudiants aient apprit des choses à Karelle, parce qu'un vrai apprentissage est un partage, il faut qu'il ait deux directions. Autrement, on est dans le rapport de force et ça n'a pas sa place dans les classes modernes ( mon impertinent avis, bien sur).


Un roman facile à lire sur un thème somme toute nouveau et porteur de pleins de beaux messages, sur une classe solidaire et vive d'esprit qui ne souhaite que le retour de leur professeur bien aimé.


Pour un lectorat du second cycle primaire, 8-9 ans en montant.

Shaynning

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