"Eh bien, John, je suis un traître!"
En ce moment, je pioche dans la fameuse parfaite bibliothèque de SF de mon copain. Et je suis tombée sur la trilogie de "la légion de l'espace" de Williamson. De la bonne vieille SF des années 30, me suis-je dit... je n'ai pas été déçue, je me suis beaucoup amusée en lisant ce premier tome qui enchaîne clichés sur clichés, situations invraisemblables sur actes héroïques gratuits, et bizarreries de langage sur répliques pas naturelles.
Pour vous résumer l'histoire, il y a :
- Des méchantes méduses de l'espace.
- Un méchant traître qui aurait pourtant pu s'appeler Monsieur Letraître, ça n'aurait pas été plus clair, et pourtant personne ne l'a démasqué avant.
- Un héros trop sympa et fort et courageux mais malheureusement affligé d'une bêtise congénital et d'un lourd patrimoine génétique, puisqu'il fait partie de la famille des traîtres (même s'il a l'air de le découvrir au début du livre).
- Une princesse qui détient l'arme ultime de l'humanité contre les méchants mais forcément, elle a été enlevée par les méchants avec l'aide des traîtres qui veulent réinstaurer l'empire dans le système solaire.
- Des compagnons archétypaux dont un sidekick comique qui va vous rendre fou.
- Des décors divers et variés, de préférence en technicolor.
L'histoire est vraiment basique, et le twist tellement téléphoné qu'on ne s'étonne qu'à peine de voir que le titre du chapitre 4 est "Eh bien, John, je suis un traître". Non, vous ne rêvez pas: l'auteur n'hésite pas à spoilier le lecteur dès le début du chapitre. Enfin si on peut encore parler de spoils, puisque, pour vous expliquer la situation: les méchants empereurs (les "pourpres) ont été destitués il y a quelques centaines d'années, et depuis, c'est les gentils légionnaires de la légion verte (les "verts donc) qui sont les garants de la démocratie. Comme tout le monde n'est pas français, la famille de l'empereur n'a cependant pas été intégralement guillotinée, et donc ils vivent toujours dans l'immense palais qu'est le "Hall pourpre" (exacte réplique du palais des gentils, le "Hall vert". Vous suivez?). Là où les choses se compliquent, c'est que visiblement, tout le monde leur fait confiance, puisque le descendant de l'empereur, un mec de la famille des Ulnar, donc, est... chef de la légion verte. Eh oui. Et il pistonne allègrement son neveu (le sale traître). Et ce, alors qu'il affiche très très très clairement ses prétentions envers le trône. Comment s'étonner, après, que le vilain neveu du descendant de l'empereur pactise avec les méduses de l'espace pour capturer la très bien gardée Aladoree, gardienne de l'arme ultime, pour avoir le champs libre?
Non, il n'y a plus que notre héros, John Ulnar (lui aussi de la famille impériale mais loyal à la démocratie, en même temps, il n'a jamais connu sa famille, alors...), qui s'étonne de ce twist à peine téléphoné.
Mais passons. Notre héros, John Ulnar, va donc partir avec les gardes du corps (efficaces, comme on l'a vu) d'Aladoree pour aller la secourir des vilaaaiiines méduses de l'espace, sur leur très lointaine et vilaine planète. Tout en étant poursuivi par la moitié du système solaire désormais rallié à l'empereur.
Après, chaque chapitre est une suite d'aventures invraisemblables, où le héros ne cesse de faire la preuve de son immense courage, et de son immense force, toujours avec le schéma "olala, c'est difficile, c'est presque impossible! Ah mais en fait il y arrive parce qu'il est trop fort". On ne s'étonne plus, après, qu'il braque une base hautement sécurisée de je ne sais plus quelle planète pour prendre du carburant, qu'il défasse un groupe d'ennemis d'une pichenette, qu'il monte une échelle de 1000 mètres (oui) face à un vent tellement fort qu'ils leur arrache les vêtements (oui, ça aussi), qu'il traverse presque sans saigner du nez une nébuleuse, presque sans transpirer une barrière technologique qui, littéralement "brise les atomes" (ça pique juste un peu), qu'il traverse presque à poil un continent qui fait trois fois la taille de la terre et est recouvert de bêtes agressives, qu'il survive aux noyades, aux incendies, aux chutes du 200ème étage, aux méduses géantes, à un second passage par la barrière, à un cannibale déchaîné ... et qu'il succombe à l'amour. Car, oui, notre héros parle 5 minutes avec Aladoree, et ça suffit pour qu'il bave dessus pendant deux cents pages (et qu'il se la fasse à la fin du livre, forcément).
En revanche, ce à quoi le lecteur peine à survivre, c'est bien l'horripilant Gilles Habibula, ce légionnaire bedonnant qui ne pense qu'à manger, boire et se plaindre sans arrêt en parlant de lui à la troisième personne. Je vous cite une réplique typique, du genre de celles qui refait surface à peu près deux fois par page: "Pauvre vieux Giles! Ah! Dire qu'il a vécu pour voir un jour si funeste! Il aurait mieux valu... ah! Oui, mille fois!... qu'il soit mort au berceau."
Je vous jure que c'est sans arrêt, les "pauvre vieux Giles Habibula!". Je continue à me demander comment il a fait pour faire toute l'aventure sans que quelqu'un finisse par l'étrangler.
Voilà, pour finir je vous mets quelques répliques et phrases qui ont déclenché mon hilarité:
Un garde répondant à Giles Habibula emprisonné, qui ne cesse de demander à boire:
"De l'appétit, vieux sac à graisse? répliqua la sentinelle d'un ton cordial. Tu manges comme sept!".
Oui, car insulter les gens de "vieux sac à graisse", c'est souvent d'un ton cordial!
"Plus loin dans le conduit, du côté de la prison, il entendit donner un ordre et briller une lampe".
Là, je vous laisse trouver vous même où ça cloche.
Combat épique avec des soldats dans un énorme conduit d'aération:
"L'autre homme tenta d'abord d'utiliser son lourd lance-proton, mais il s'aperçut que son poignet était brisé. De sa main gauche, il lança un coup de poing, mais son élan le projeta contre le mur sur lequel il se rompit le cou".
Je ne sais pas où on forme ces soldats, mais ça ne m'étonne plus que le héros gagne à 10 contre 1.
Explications scientifiques:
"Cinq jours, avec toute la puissance des géodynes, dont les champs de force réagissaient contre la courbe de l'espace lui-même et l'enveloppaient, de sorte qu'ils ne conduisaient pas le navire à travers l'espace mais autour, permettant des accélérations formidables, sans inconfort pour les passagers, et des vitesses bien supérieures à celle de la lumière".
Ah bah oui, tout de suite, si on voyage autour de l'espace, c'est beaucoup plus rapide!
Bref, si vous voulez vous marrer et passer un bon moment d'aventures débridées et sans queue ni tête, servie par des personnes aux dialogues qui sonnent faux et caricaturaux, faites vous plaisir!