Critique et extraits: https://branchesculture.wordpress.com/2015/08/13/critique-la-parodie-rodrigue-le-lombard/
Curieuse BD que La Parodie de Rodrigue sortie cet été aux Éditions du Lombard. Un joyeux et réjouissant foutoir dans lequel se croisent les genres qu’ils soient dessinés, chantés ou issus du registre populaire. Une Parodie qui évite le pastiche de bas étage pour façonner un vrai album d’aventure, avec une vraie histoire mais ne laissant pas l’humour en iceberg. Un humour créatif qui fait mouche à tous les coups.
Rien ne va plus chez les vikings. Démodés, voilà ce qu’ils sont, le temps du bête, méchant et violent est passé de mode et les voilà qui cherchent à se réinventer. En plus, à l’heure où les jeunes vikings ne savent même plus se servir de leurs arcs-à-flèches et que tous les mâles se perdent en bagarres générales, voilà qu’un étrange homme, un Franc tombé d’on-ne-sait-où débarque et fait craquer toutes les femmes de la plage abandonnée (oui, oui, Rodrigue a osé, « coquillages et crustacés »…).
Cet amnésique rejeté par les flots et qui, tel un galérien, porte sur son épaule une étrange marque « XIII et 1/2 » fait figure de gendre idéal face à Grandalfe-le-flou, Hoyad-le-perçant, Apoal-le-haineux et consorts dont le machisme et la bêtise lassent Aarissa et les autres femmes du village. Poète à ses heures, XIII et 1/2 a tout pour lui, et notamment la civilisation. Un bien qui risque de tenter les vikings d’autant que l’amnésique pourrait les guider vers sa terre natale.
Aussitôt dit, aussitôt Ikéa, voilà les drakkars préparés pour un long voyage, un Paris-Drakkar avant l’heure, qui ne pourra qu’asseoir la puissance du peuple nordique. Mais aussi téméraires soient-ils, les vikings ont aussi leurs défauts. Ainsi, très vite, Thoraxe, rejeton de la bande, souffre du mal de mer et est largué sur une île déserte. Pendant que les vikings assoiffés de civilisation poursuivent leur route, le jeune antihéros commence une quête initiatique à la rencontre de personnages bizarres: d’un petit bonhomme bleu barbu avec un chapeau rouge à un certain Dark Vador sans oublier des Trolls pas si loin de Troye.
En adaptant la couverture d’un des meilleurs albums d’un petit gaulois bien connus, Michel Rodrigue prévenait déjà: il fallait attendre beaucoup de cette création originale toute en parodie mais aussi en hommages. L’ensemble ne nous a pas déçus, loin de là. Avec une adresse détonante, le repreneur de Cubitus et Clifton a sans doute voulu pousser le vice plus loin en reprenant à sa sauce plusieurs dizaines de personnages parmi les plus célèbres que le Septième Art ait portés (mais pas que). Des personnages remaniés dans le style du dessinateur lyonnais mais bien loin d’être grotesques: il y a Thorgal et XIII en toile de fond, et, gravitant, les Schtroumpfs, Astérix, Lucky Luke, Philémon, Blake et Mortimer et même, saint plaisir, Soeur Marie-Thérèse des Batignolles, parmi tant d’autres.
La farce dure 48 planches et joue d’imagination, évitant les lourdeurs d’un exercice périlleux. Michel Rodrigue explose les codes tout en leur rendant un bien bel hommage, généreux, frais, irrespectueux et en même temps très fidèles. On rit à chaudes larmes devant ces Drakkars sponsorisés par Igloo ou Sopikey. Hé oui, pour le meilleur et pour le rire, même au temps des vikings, un product placement galopant enlaidissait les dragons des mers.
Mais on se prend aussi à se demander quel personnage mythique se trouvera derrière la page suivante et on s’amuse de lire du Trenet ou du Johnny pour mieux enchanter les cases de cette parodie qui l’est moins qu’une véritable odyssée à travers l’histoire de cet Art qui nous plaît tant. Car oui, bien loin des pastiches de seconde zone, le Neuvième Art a enfin son Grand Détournement.