La Peinture à Dora raconte comment François Le Lionnais, déporté en 1944, s’est aidé de ses connaissances picturales pour supporter les camps – en l’occurrence celui de Dora. La quatrième de couverture était prometteuse, le volume (dans la réédition par Othello) avait de l’allure avec les reproductions des tableaux qu’il évoquait, et ça me disait bien de voir à quoi pouvait ressembler un texte pré-oulipien d’un membre de l’Oulipo.
Autant éviter d’emblée toute forme de chantage à l’histoire pour faire la critique de la Peinture à Dora : je ne remets pas en cause le fait qu’écrire cette trentaine de pages était nécessaire à l’auteur, voire vital, tout comme celui de les publier, dès mars 1946. Toute méchanceté mise à part, il n’est pas vital, ni nécessaire, ni même crucial de les lire : il faut avoir bien peu lu pour considérer ce texte comme un incontournable de la littérature concentrationnaire.
Quant à la qualité de l’écriture, elle est moindre que ce que Le Lionnais a pu produire avec l’Oulipo. Ce qui pourrait à la rigueur tenir lieu de parti pris stylistique, c’est une relative légèreté sarcastique du propos : « J’aurais bien voulu emporter avec moi ce petit panneau de bois colorié : les nazis m’empêchèrent de réaliser ce projet en nous obligeant à évacuer Dora quelques jours avant la Libération » (p. 10), par exemple. C’est finalement peu.
Et là où la Peinture à Dora peut encore poser problème – et éclairer autrement la légèreté dont je parle ci-dessus –, ce qui n’est pas nécessairement un défaut, c’est que l’évocation des camps est réduite à la portion congrue, comme si l’auteur n’avait eu pendant ce temps que des soucis d’esthète ; on imagine Dante consacrer trente vers d’un chant de l’Enfer à ce qu’il y voit, et les cent vingt autres au souvenir des ses fresques préférées…
Pour les amateurs d’histoire littéraire, les Souvenirs désordonnés de José Corti – lequel voyait en Le Lionnais un « fruit pourri » – apportent un témoignage sur les circonstances de l’arrestation du futur auteur de la Peinture à Dora. On y interrogera les notions de beau rôle et de deux sons de cloches.

Alcofribas
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le 7 sept. 2017

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