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Incontournable Novembre 2021


Autrice à qui l'ont doit des romans jeunesse très appréciés, notamment "L'Odyssée Miraculeuse d'Édouard Toulaine" et "Les aventures de Flora et Ulysse", Kate DiCamillo nous propose cette fois une histoire qui a des allures de récit du moyen-âge, enluminures et illustrations incluses. Cette histoire est celle d'une jeune fille, au cœur d'une prophétie, qui a un don qu'aucunes femmes ou presque n'avaient à cette époque.


Le frère Érik possède l'âme sensible de ces hommes qui savent percevoir de manière innée la beauté du monde, mais également un esprit que ces semblables trouvent quelque peu fantasque, que n'aide en rien cet œil "fou" qui regarde dans toutes les directions. C'est pourtant ce singulier personnage qui aura été aux origines de la prophétie qui touchera cette même enfant qu'il trouve, un matin, couchée près d'Angelica, chèvre de son état. L'animal, d'une exceptionnelle vivacité d'esprit, capable de catapulter n'importe qui dans les airs d'un simple coup de tête, prend l'enfant sous son aile à compter de ce jour. On eu dit qu'elle connaissait le futur grandiose dont Béatryce était le levier. Gardée, puis veillée par le frère Érik et Angelica, quelque part dans le royaume, un Roi envoie ses soldats chercher la fillette au cœur d'une prophétie qui devait mettre fin à son règne et "occasionner un grand bouleversement" du même coup. Amnésique, les cheveux rasés, Béatryce ressemble désormais à un jeune moine. Un constat d'autant plus pertinent qu'elle en a aussi les qualités: cette jeune fille sait lire et écrire. Impensable. Impossible. Et pourtant. La jeune fille est appelée à partir sur les routes, ne pouvant rester au monastère, les moines craignant les foudres du Roi. Elle y trouvera des alliés, à l'histoire aussi improbable qu'elle, et qui l'aideront à accomplir cette prophétie qui la concerne. Et quelque part ne route, elle retrouvera aussi ses souvenirs, qu'elle aurait préféré gardés scellés.


Une fille qui sait lire et écrire, à cette époque, c'est plus que marginal, c'est condamnable. Il faut bien sur relativiser: seuls les moines et quelques rares nobles souvent royaux avaient des bases dans les deux domaines, la vaste majorité de la plèbe était donc analphabète. Époque qui se termine par une Église radicale ayant une mainmise absolue sur le Savoir et préférant ses ouailles bien ignorantes, le Moyen-Âge n'était donc pas la meilleure période pour les écrits et les lectures, davantage destinées à servir l'Église (L'éducation passait plus souvent par les fresques peintes, d'ailleurs) Alors imaginez une fille de 10 ans savoir faire les deux? C'est très peu probable et dans l'histoire, c'est effectivement en "enfant démoniaque" qu'elle est souvent présentée. Maintenant, la question est " pourquoi sait-elle lire et écrire?


Dans cette jolie histoire où se côtoie une douce poésie naturelle et des personnages lumineux, on suivra cette atypique jeune fille dans sa quête pour se trouver et pour retrouver les siens. On aura parmi les protagonistes une chèvre aussi maligne qu'imprévisible, un moine peureux, mais d'une incroyable sensibilité, un jeune garçon rapide comme une flèche à la mémoire formidable et un homme des forêts qui a préféré une vie libre et minimaliste, ponctué d'une joie capable de le faire rire de tout.


À la fois une hymne au Savoir, à la beauté et la bonté du monde, le récit de Béatryce est aussi un roman qui sert des thèmes qu'on aimait déjà au Moyen-âge dans les récits de chevaliers: la bravoure, le triomphe de l'amour et la lumière du bien chasser la noirceur du Mal. C'est une histoire construite sur plusieurs petites histoires,celles des personnages , mais aussi de la fiction presque allégorique de la sirène. Le récit me fait penser à une tapisserie de cette même époque: une multitudes de fils qui finissent par se rejoindre pour constituer le final.


Quand à la prophétie, elle rejoint un peu la même tangente que celle que j'ai vu dans le septième opus des Harry Potter: une prophétie n'a d'importance que celle qu'on lui accorde. Autrement dit, elle n'existe que parce qu'on veut lui donner une importance. Preuve en est que l'antagoniste de l'histoire s'en sert comme d'un outil.


J'attire aussi votre attention sur une curiosité: si nous sommes bien dans un univers lié à la chrétienté, n'empêche qu'on y retrouve l'idée de réincarnation, lié traditionnellement au bouddhisme. On retrouve en effet une abeille qui est décrite comme la réincarnation de Mamie Bisbi ( notez d'ailleurs le son du nom similaire à celui des ailes d'une abeille- "bz-bi") Enfin, à un certain niveau, une sorte de "magie" semble subtilement imprégner l'histoire, à commencer par cette chèvre anormalement sagace et costaude, mais qui ne relève pas du fantastique net et précis.


Le tout est léger, aéré. Les chapitres sont très courts et on a de nombreuses images au crayon de plomb, dans le style de l'époque ( mais avec des personnages beaucoup mieux travaillés que ceux de l'époque, assurément, les artistes du Moyen-Âge étant de piètres et naïfs dessinateurs, histoire de l'art à l’appuie).


J'ai beaucoup aimé les personnages, particulièrement le Frère Érik, avec sa façon de voir le meilleur autours de lui, malgré son côté anxieux. Béatryce pour sa part, est le personnage qui attire tout le monde à elle, comme un aimant. Elle a bien eu besoin du support des autres, mais au final, c'est qu'ils ont vu en elle tout le potentiel de faire bouger les choses en ce monde et de les instruire. Ce n'est donc pas juste un être fragile dépendant des autres, c'est une porteuse de Savoir et de renouveau. Elle de nature curieuse, elle veut comprendre les choses, en cela c'est une qualité singulière pour une fille de cette époque. Enfin, Angelica, cet animal improbable qu'on ne peut qu'aimer. J'aime l'idée que l'être vivant le plus instinctif, protecteur et bienveillant soit l'animal du groupe, qui voit clair dans le cœur des humains et ne trahit aucune peurs. Et puis, vous en voyez souvent des ânes dans les histoires?


C'est donc une petite pépitte atypique et ensoleillée en ce mois gris de novembre que cette histoire où une jeune fille apporte avec ses mots et ses Lettres le Savoir et l'espoir, épaulés de comparses qui auront grandit à son contact. "La prophétie de Béatryce est une ode aux histoires, à la connaissance et à l'amour universel.


Pour un lectorat du second cycle primaire, ( 8-9 ans) en montant.

Créée

le 23 nov. 2021

Critique lue 53 fois

Shaynning

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