La trilogie steampunk regroupe trois nouvelles de Paul Di Filippo, qui se situe dans un univers XIXe alternatif et délirant.
"Victoria" raconte une enquête de l'inventeur Cosmo Cowperthwait, et de Nails McGroaty, son homme à tout faire américain. Il est contacté par William Lamb, le premier ministre, car la jeune reine Victoria a disparu. Notre héros est biologiste et a réussi à faire se développer un triton jusqu'à taille humaine, triton qui ressemble à la reine Victoria, à quelques détails près (un appétit insatiable pour les mouches et pour les relations sexuelles) : il a placé sa créature dans le bordel de Mme Mallet. Enquête dans les bas-fonds de Londres, puis la vérité éclate : la jeune reine avait échangé sa place avec le triton. Tout rentre dans l'ordre.
"Des hottentotes", la nouvelle la plus longue, raconte les déconvenues d'un savant anglais raciste et misogyne installé à Boston, Louis Agassiz, qui a réuni une équipe de jeunes en vue d'une expédition prochaine pour prouver l'inanité de la théorie de l'évolution. Agassiz voit débouler chez lui Jacob Cezar, un afrikaner marié à Dottie Baartmann, la fille de la Vénus hottentote qui cache sous ses abords de sauvage une âme de militante des droits de l'Homme et de suffragette. Ils lui expliquent qu'un sorcier vaudou, D'guzeri, volé un fétiche inestimable : les parties intimes de la Vénus hottentote, gardées par Cuvier. Ce fétiche possède un pouvoir incommensurable s'il est amené sur un des points nodaux de la vie. L'enquête patauge, entraînant de multiples disgrâces pour ce cher Agassiz : son second veut créer une commune dans son laboratoire ; sa femme est sur le point de mourir en Europe, et il cherche à serrer la jolie Lizzie ; sa secrétaire/objet sexuel, Jane, découvre la fellation mais a des velléités d'émancipation ; un révolutionnaire irlando-polonais et un chef des services secrets prussiens le pourchassent. Le dénouement a lieu dans l'océan, sur le bateau du capitaine Stormfield, un vieux loup de mer charlatan, et implique un ichtyosaure.
"Walt et Emily" est plus littéraire et un peu moins délirant. Il table sur une romance étrange entre Walt Whitman et Emily Dickinson. Walt débarque dans la maison familiale d'Emily pendant une absence du père, car le frère d'Emily a mis sur pied une séance de spiritisme pour communiquer avec ses enfants morts. Ils sont accompagnés d'une spirite française, d'un sceptique et d'un savant allumé. Ils prennent une dose d'éther en espérant passer dans le monde des morts. Et de fait, ils se retrouvent projetés dans un monde parallèle vide et peuplé d'herbe, qui représente les âmes des défunts. Walt et Emily apprennent à se connaître au sens biblique, puis se réveillent : ce n'était qu'un rêve, et la spirite était une ancienne tenancière de bordel de la New Orleans.
Les intrigues sont loufoques et délirantes, mais reposent beaucoup sur le jeu des références, et quelqu'un qui n'a jamais entendu parler de Whitman ou Dicksinson risque de sérieusement se faire suer. Le rythme est plutôt enlevé et les personnages sont bien amenés ; le comique repose surtout sur la loufoquerie et les sous-entendus sexuels ; on referme le bouquin avec le sentiment d'un divertissement agréable, qui brasse beaucoup de références : la palme va de ce point de vue aux Hottentotes, avec des références en pagaille à Lovecraft, Jules Verne, Poe, Melville, etc..., hélas pas toujours de manière très fine.
Divertissement agréable, donc, mais au fond un peu vain. Au moins, l'auteur a eu raison de miser sur la briéveté et l'efficacité.