La Vie rêvée d’Ernesto G. par Nina in the rain
Il y a un grand danger à écrire un deuxième roman. Un deuxième roman, si le premier a eu du succès, c’est là où la totalité des « professionnels de la profession » vous attend au tournant. Il ne faut pas prendre le même thème (« l’auteur ne sait pas se renouveler ») mais pas trop s’en éloigner quand même (« on ne dégage pas de ligne directrice »). Il faut écrire une histoire radicalement différente (sinon on « tire sur les mêmes ficelles ») mais pas trop (on risque de « déconcerter le lecteur »). En gros, il faut faire pareil, mais pas trop, et en mieux. Sinon, les gens sont « déçus » (« après un première roman éclatant, Machin déçoit »).
Je crois, moi, que le deuxième roman est encore plus difficile que le premier, et qu’il n’a aucune visibilité. Pas de prix du deuxième roman, pas de bourse Goncourt ou de l’Académie Française, pas d’encadré dans Livres Hebdo. Rien qu’une ligne presque anonyme et de grandes attentes.
N’étant pas parfaite moi-même (oui, je sais, ça vous fait un choc, mais il faut l’admettre, j’ai quelques défauts) je regarde également les deuxièmes romans d’un air soupçonneux quand ils viennent à la suite d’un premier très apprécié (si je n’ai pas aimé ou pas lu, bien sûr, je suis comme tout le monde, hein, je m’en fiche). Autant dire que j’ai regardé La Vie rêvée d’Ernesto G. entre les deux yeux, longuement, avant de le commencer. J’avais sacrément peur d’y mettre trop d’attente. Je l’ai pris, posé, repris plus tard, reposé et à un moment, quand il ne s’attendait pas, PAF, je l’ai ouvert et commencé. La technique de la surprise a plutôt bien fonctionné, il faut le dire : j’ai beaucoup aimé. De manière générale c’était bien parti : l’histoire d’une vie, de plusieurs pays, d’un homme… Bien sûr, j’aurais aimé quitter l’entre-deux-guerres et le communisme, là je me suis parfois un peu mélangé les pinceaux avec La Capitana, mais il me semble que cette année la guerre d’Espagne et ses suites est la nouvelle Seconde Guerre Mondiale.
Je me suis beaucoup attachée à Joseph, j’ai suivi avec passion ses aventures dans le roman initiatique de cette génération bizarroïde, qui a connu deux guerres mondiales, les années folles, mai 68, le communisme et sa chute… On est baladé à travers les siècles et, à la fin, on en redemande. Un vrai plaisir.