Je doute que Margaret Oliphant soit une auteure classique très connue de notre côté de la Manche et pourtant, elle fut prolixe. Sa vie de femme, d'épouse et de mère fut douloureuse car bien qu'étant née dans une classe sociale plutôt protégée, elle perdit son mari atteint de la tuberculose et elle survécut à leurs six enfants. Triste destin. Ses autres petits, c'est la centaine de romans en langue anglaise qu'elle a laissée après elle.
Parmi eux, "La ville enchantée", l'un de ses plus célèbres, se passe en... Bourgogne, ce qui a clairement motivé ma lecture étant donné que la Bourgogne est ma région d'adoption depuis presque quinze ans (mon autre motivation était de trouver un auteur dont le nom commençait par la rare lettre O pour le challenge ABC).
Non seulement l'action se passe en Bourgogne, mais encore à Semur(-en-Auxois), petite cité médiévale fortifiée fort prisée des touristes, où j'ai vécu et où je me suis mariée, encore une bonne raison de découvrir ce roman bien parti pour finir aux oubliettes de la littérature.
Cette petite cité enchanteresse est enchantée, c'est-à-dire le jouet d'un enchantement. En effet, Margaret Oliphant nous livre ici son unique roman fantastique. Moeurs relâchées, argent divinisé, morale sacrifiée, Semur - tout comme la quasi totalité de l'humanité - file un mauvais coton. En juillet 1875, alors que les cultivateurs et les viticulteurs sont aux champs et aux vignes, le ciel s'obscurcit, le glas sonne de lui-même, des lettres de feu apparaissent sur les portes de l'église et une force aussi invisible qu'irrésistible chasse les Semurois de leurs maisons, extra-muros, au bénéfice de leurs défunts tout droit sortis du Purgatoire...
Je sors plus que mitigée de ma lecture. Tout d'abord, ma motivation de départ, à savoir mon espoir de découvrir ma chère ville de Semur à travers ses rues et ses habitants de 1875, a été complètement déçue. L'action pourrait se passer absolument partout ailleurs, aucune description de la ville et de ses nombreux monuments ne venant renseigner le lecteur. Ensuite, la narration confiée aux soins de Mr le maire tend à glorifier ledit narrateur qui tout en clamant son humilité et sa modestie se dépeint comme le héros républicain, l'homme de la situation, le brave, le hardi... en un mot le Messie. Enfin, s'il n'est pas rare qu'une oeuvre du XIXème siècle suinte la misogynie par tous les pores de ses pages, cela fait encore plus mal quand l'auteur est lui-même... une femme. Le "sexe dévot" apparaît donc ici sous de bien sinistres traits, ceux de la sottise, de la fragilité nerveuse et physique, de la superstition et de la crédulité. Hors les hommes, point de Salut !
Je précise que ce roman a été traduit et publié en France en 1878 : de quoi faire se retourner dans leurs tombeaux Jane Austen, les soeurs Brontë, George Eliot, George Sand, Olympe de Gouges, Elizabeth Gaskell et quelques autres... Roman fantastique ou roman gothique tardif, "La ville enchantée" est assez inclassable et ne restera pas bien longtemps dans ma mémoire.