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La démocratie est un art martial.
S’appuyant sur des films emblématiques, plus ou moins underground, et souvent de genre (The Killing Room, La Cabane dans les bois, Réactions en chaîne, Los Angeles 2013, Le Village, Zabriskie Point, A History of Violence, etc…), l’auteur développe une thèse assez périlleuse mais méritoire consistant à établir une forme de synchronicité entre ces produits culturels, ainsi que la masse d’images provenant des jeux vidéo, affiches dans les transports, et autres retransmissions télévisées, et le « climat » de violence qui immerge les sociétés occidentales.
Chaque film est disséqué à l’aune de cette idée, illustrant tour à tour « idéalement » la peur de nos sociétés, l’aliénation, le terrorisme, la crainte des contaminations, invasions, conflits ou catastrophes.
À propos de « Le Village » :
« Tout appelle à une mise en perspective avec les attentats du 11 septembre 2001. La réalisation de Shyamalan ressemble à un avertissement adressé aux Etats-Unis contre un repli sur eux-mêmes. Le village se présente en métonymie évidente du pays, ses habitants en citoyens crédules et manipulés, et son comité dirigeant en équivalent de l’administration présidentielle, agitant concrètement le spectre d’une menace permanente pour mieux réaliser son projet politique ».
L’approche se révèle assez pertinente quand l’auteur se contente de souligner la capacité d’anticipation et d’information subversive des créateurs. Ce qu’il fait assez souvent comme avec A History of Violence :
« Le terme History n’indique pas seulement la banalité de cette histoire, qui devrait son exemplarité au fait qu’elle aurait été choisie parmi une multitude (une histoire de la violence, parmi tant d’autres). Il correspond à une acception généalogique. Le traitement de David Cronenberg présente l’aptitude à l’attaque de l’Américain en legs biologique. Ce n’est pas la diffusion de l’agressivité qui intéresse - cette dernière n’est pas spécifique aux Etats-Unis – mais la transmission d’une efficacité et d’un talent évidents quand il s’agit de se battre. »
Étayant ses analyses de citations brassant René Girard, Jean Baudrillard, Jean-François Rauger, John Locke, Guy Debord, Gilles Deleuze, ou encore Giorgio Agamben, Christophe Beney égrène son essai de parallèles parfois discutables. Quand il décrit l’affichage de recrutement pour l’armée dans les couloirs du métro, le 31 janvier 2014, il affirme :
« Ce que montre cette image, c’est un pays en guerre sur son territoire alors qu’il ne l’est pas. Un territoire où l’armée française patrouille comme l’armée américaine patrouillait à Bagdad. »
Ce que l’auteur oublie de préciser ou ignore, c’est qu’à cette époque, l’armée française était bien en guerre sur divers théâtres internationaux. Et que ces implications induisaient clairement un risque de représailles sur le territoire national, provoquant donc mécaniquement la nécessité d’une telle représentation. La guerre est justement également virtuelle, de ce fait, l’idée qui revient assez souvent faire irruption dans ce livre, à savoir qu’il y aurait des conditionnements plus ou moins subliminaux amenant la population à adopter certains comportements et à normaliser un certain climat de menace et d’urgence perd quelque peu de son acuité. Son analyse du film Land of the Dead, qui date de 2005, renvoie étrangement à l’actualité française, où il est question de zones peuplées de pauvres, y compris en zones pavillonnaires, faisant face à des tours de verre, des complexes commerciaux abritant les riches qui vivent de raids prédateurs à l’intérieur du « territoire des morts » (raids également pratiqués par les zombies délaissés et parqués).
L’essai fluctue donc entre deux approches, l’une évoquant l’interaction symbolique des productions culturelles et du climat social, assez logiquement, car toute industrie culturelle reflète son époque (l’idée est somme toute banale), et l’autre, plus indirecte, affirmant que le système démocratique occidental conditionne le maintien d’une concorde civile à l’entretien de la guerre et de la peur comme principe naturel d’alerte collective. Cette seconde approche est plus originale mais aurait sans doute demandé des développements sortant du strict cadre cinématographique. En effet, cet art est régulièrement suiviste, et se contente le plus souvent d’adhérer aux demandes des financeurs, et donc du politique. Les conditionnements sociétaux sont alors assez évidents et ne touchent pas que la thématique guerrière, mais aussi les mœurs, l’alimentation, les vêtements et le reste. En restant figé à l’objet filmique, on demeure prisonnier de sa subjectivité, sans pouvoir discerner qui commande quoi.
Créée
le 9 août 2019
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