J'ai eu la chance de faire dédicacer ce livre par Robert Sheckley il y a quelques années. Cet auteur, qui nous a quittés en 2005, est un mythe. Il est au côté de Dick, Asimov, Silverberg et tant d'autres un des auteurs qui ont fait aimer la science-fiction à des millions de gens. J'ai du vous parler du « Prix du danger » où il évoquait, bien des années avant nos télé-poubelles actuelles, les excès d'une téléréalité des plus sordides dont François Truffaut à su tirer un film remarquable que Bob n'a, selon ses dires, jamais eu la chance de visionner.
Ce petit bonhomme bourré d'humour savait toujours y mettre une touche savoureuse dans tout ce qu'il écrivait. « La dimension des miracles » ne fait pas exception et c'est un bonheur, une jubilation constante que de parcourir les deux nouvelles qui compose ce recueil paru en 1973 chez Robert Laffont.
La première porte justement le titre de « La dimension des miracles ». Imaginez un terrien bien ordinaire, à une époque où on n'envisageait pas forcement un grand avenir au voyage spatial. Ce personnage s'appelle Carmody et aurait pu poursuivre son petit train-train quotidien si, par le plus grand des hasards, il n'avait pas été enlevé par des extra-terrestres. Vous me direz à ce point du récit qu'il s'agit là d'une resucée d'un classique de la science-fiction et je ne pourrais vous contester votre remarque. Cependant il n'est pas enlevé pour qu'on s'amuse à compter sa tripaille ou le cloner pour une colonisation à venir, non. Rien de tout cela.
Notre ami Carmody est simplement amené au grand centre galactique pour recevoir un lot, le gros lot de la loterie galactique. Après avoir reçu ce lot, qui parle, se transforme etc..., il est temps pour lui de retourner sur terre. Hélas, aucun des aliens présents n'est fichu de le ramener sur sa planète, à la bonne époque et dans la bonne dimension. C'est ainsi que Carmody va commencer son errance d'une planète à l'autre afin de trouver un extra-terrestre bienveillant, mais surtout compétant.
Et notre Carmody n'est pas au bout de ses surprises, il rencontrera des dieux, des faiseurs de mondes, des illuminés de toutes sortes qui me font immanquablement penser aux savoureuses aventures du Candide de Voltaire. Cette nouvelle est bourrée d'humour, de dérision, de moquerie religieuse – et ça j'adore – et c'est un merveilleux voyage dans les dimensions de l'imaginaire auquel Robert Sheckley invite le lecteur.
La deuxième nouvelle s'intitule « Echange standard ». Elle nous conte les mésaventures de Marvin Flynn, un employé bien ordinaire d'une société d'assemblage de jouet, et de sa passion des voyages. Il n'est pas un recoin de notre bonne vieille planète bleue qu'il n'ait visité. Mais sa passion le dévore et il regarde avec envie et douleur les étoiles. Il sait les mondes qui nous entourent peuplés d'êtres monstrueux et magnifiques ainsi que toutes ces étendues qu'il ne visitera qu'en rêve. En effet, dans ce lointain futur, le voyage vers les autres planètes n'est réservé qu'à ceux qui peuvent se payer ces traversées fort onéreuses.
Jusqu'au jour où une petite annonce attire son attention et lui rend espoir : le psychotroc. Derrière ce terme étrange se cache l'échange d'esprit entre deux êtres qui prennent possession contractuellement du corps de l'autre. Celui qui se propose à l'échange est un certain Ze Kraggash. Il s'agit certes d'un de ces fichus bouffeurs de sable de Martiens mais cela n'arrêtera pas Marvin qui va se lancer dans l'aventure.
L'échange entamé ne déplaît pas à Marvin jusqu'à ce qu'il apprenne que Ze n'est autre qu'un escroc qui a promis son corps à d'autres avant lui et qu'il va devoir être expulsé de ce corps auquel il commençait à prendre goût. Il pourrait reprendre le sien qui l'attend sur Terre mais Ze s'est enfui avec. Un policier aussi loufoque qu'incompétent est chargé de retrouver le corps de Marvin mais le temps presse. Aussi Marvin accepte le transfert clandestin vers d'autres corps, d'autres mondes, d'autres créatures, en attendant qu'on lui retrouve son corps. Pour survivre, il travaillera sur de nombreuses planètes et les taches qui lui seront confiées s'avéreront riches en enseignement sur les conditions de travail de la main d'œuvre extraterrestre.
Toujours exploité dans une veine humoristique, mais fidèle à la tradition d'une science-fiction des plus classique, on ne peut s'empêcher de penser à des auteurs comme Douglas Adams, Terry Pratchett ou Lafferty qui, eux-aussi, mêleront avec talents ces deux genres. Une lecture agréable et déjantée comme je les aime et ne doute point qu'elle vous réjouira. Seul bémol : beaucoup de ses ouvrages sont actuellement indisponibles, mais en fouillant un peu dans les bacs des libraires d'occasion, on peut parfois tomber sur des trésors.
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