L'auteure de ce livre, accessoirement agrégée de lettres et dramaturge, est donc revenue au roman après une grande parenthèse de près de vingt cinq ans. Savoir des éléments de biographie de Marie Redonnet m'a aidé à comprendre la logique de la Femme au colt 45 et me conforte dans l'idée qu'un écrivain raconte ce qu'il connait de près ou de loin. Les deux pays fictifs du roman l'Azirie et Santaré pourraient être la France et le Maroc où Marie Redonnet a des attaches affectives et professionnelles. Les personnages de Zuka et Georgio représentent aussi le passé en Azirie tandis que Santaré est le futur à composer avec ce qui existe déjà. Pendant la lecture, j'ai aimé le style concis et fluide qui raconte l'expérience de Lora Sander. Pour certains, il peut paraître froid mais il témoigne de la lucidité du narrateur sur son personnage. L'alternance du récit à la troisième personne et à la première est aussi trés originale car elle permet d'avoir deux points de vue qui se complètent,s'affrontent tout au long du roman. La femme au Colt 45 n'est pas non plus qu'une fable puissante sur la déconfiture des sociétés face aux migrants (qu'il faut cloisonner plutôt qu'intégrer), sur les précaires de la vie (ceux qui recherchent l'aventure d'un soir, louent des chambres aux gens sans lendemains ou recueillent même avec contrepartie) ; c'est aussi le portrait d'une femme qui à partir d'un exil forcé va se reconstruire pour y voir plus clair dans son identité. Une grande leçon de vie et d'écriture, renforcée par l'absence de temporalité et où les lieux et les objets définissent les actions et les événements. Pour un récit trés court, la Femme au colt 45 fait passer par toutes sortes d'émotions, de paysages mentaux pouvant disparaître aussi vite qu'ils sont arrivés. Marie Redonnet a tés bien rendu l'impermanence de notre monde actuel et la forte volonté dont il faut faire preuve pour ne pas sombrer. N'hésitez pas à lire cette grande réussite littéraire car son édifice en apparence simple ne l'est pas du tout.