Une fable contemporaine pour raconter l’exil douloureux et l’émancipation d’une femme.

Actrice vedette et épouse de Zuka, le directeur du Magic Théâtre d’un pays imaginaire, l’ Azirie, vivant protégée entre son mari et son fils dans le monde clos du théâtre, Lora Sander s’exile à cinquante ans, jetée sur les routes à cause de la terreur qui a recouvert l’Azirie, après l’arrestation de Zuka et la fermeture du théâtre jugé subversif par la dictature.


Face à l’inexorable, expulsée hors d’une vie protégée et «irréelle», elle abandonne tout, sauf ce colt, cadeau de son père sur son lit de mort, soudain lancée seule dans une vie inconnue et une histoire qui la dépasse.


«La forêt s’interrompt brusquement au bord d’une falaise à pic. Au loin on entend des bruits assourdis de tirs de roquette. Lora, la cinquantaine, allure excentrique, est emmitouflée dans un manteau en fourrure synthétique. Elle porte un bonnet et des gants de laine de couleurs vives. Epuisée, elle s’assoit au bord de la falaise, les jambes dans le vide, un sac à ses côtés.
Elle sort de son sac un vieux colt 45. Elle l’essuie précautionneusement comme si elle voulait vérifier qu’il est bien en état de marche.»


Traversant le fleuve qui sépare l’Azirie de la Santarie, elle découvre non pas la terre promise, mais l’envers d’un même désespoir, et raconte sans misérabilisme les événements les plus tragiques, les rêves volatilisés d’une vie apaisée lorsqu’elle est confrontée aux troubles et à la violence arbitraire et permanente qui règnent aussi en Santarie.


«À partir de maintenant je vis dans la clandestinité comme tous les étrangers sans papiers qui arrivent à Santaré par la mer encore plus que par le fleuve. Cette ville est comme un aimant qui les attire, le point de rencontre des errances et des naufrages d’une humanité à la dérive. Les pièces de Samir Osri dont j’ai été l’une des interprètes sont une image de notre monde. Mais quand je les jouais au Magic Théâtre je ne le savais pas.»


Dans cette tragédie contemporaine dont la forme évoque le théâtre-récit, la femme au colt 45, actrice unique du récit, soudain exposée à la dureté du réel, raconte sa propre transformation dans l’exil.


«-Il y a des rides sur le front et à la commissure des lèvres. La peau commence à se flétrir. Le teint a perdu de son éclat. Le regard est grave et inquiet. Les traits du visage sont harmonieux, des sourcils épais, des lèvres charnues. L’expression est tendue. Cette femme que je ne reconnais pas, sans aucun fard, c’est moi.»


Avec le colt 45 offert par son père qui lui avait appris à tirer, ce pistolet qui est comme un blindage, un héritage affectif dont il est si difficile de se défaire, et une arme qui peut se retourner contre elle, Lora Sander cherche à sauver sa peau. En se débarrassant finalement de ce colt, elle opposera sa volonté de vie et son art à la puissance de mort de l’arme à feu, dans les balbutiements d’une nouvelle vie.


Dans ce roman à paraître en janvier 2016 aux éditions Le Tripode, Marie Redonnet réussit à dire d’une voix claire, avec cette écriture minimale et d’apparence candide d’une grande force, la vie qui se défait, le désespoir de l’exil et l’embryon d’une nouvelle naissance.


Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/11/03/note-de-lecture-la-femme-au-colt-45-marie-redonnet/

MarianneL
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le 3 nov. 2015

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