Manifeste pour un indispensable réveil de l'Europe

Personnage et militant politique qui divise, Laurent Alexandre est un est chirurgien, titulaire d'un MBA à HEC et d'un diplôme de l'ENA. Je ne m'attarde d'ordinaire pas sur ce genre de détails, mais retenez simplement ceci : c'est un homme qui est à l'évidence doté d'une intelligence supérieure à la norme, ce qui je pense explique beaucoup dans sa vision du monde moderne mais surtout de l'avenir (qu'il étoffe dans son nouveau livre : Jouissez Jeunesse !).

En effet, il est d'une part particulièrement attentifs aux inégalités cognitives qui existent déjà à l'heure actuelle, mais qui risquent d'exploser dans un monde gouverné par les technologies NBIC ( Banotechnologies, Biotechnologies, Informatique et sciences Cognitives) et en particulier l'IA, qui va imposer une explosion de la demande pour des citoyens extrêmement compétents et qualifiés, aux détriments des tâches plus répétitives et moins complexes qui vont voir leur emploi disparaître.

Au fil du livre, Laurent Alexandre développe un véritable plaidoyer pour une réforme totale de la pédagogie et de la manière dont on conçoit l'enseignement, sans quoi une société terrifiante à la Aldous Huxley est à prévoir, avec d'un côté des élites ultra-qualifiées, et de l'autre, un peuple moribond et à la ramasse complètement largué par des enjeux qui les dépassent complètement.

D'autre part, Laurent Alexandre milite (il n'y a pas d'autre mots) pour un retour de l'Europe dans la recherche en général, et en particulier dans les NBIC. Il craint en effet une vassalisation de l'Europe devant les deux géants numériques que sont les Etas-Unis et la Chine (qui risque probablement de dépasser les premiers).

Un autre sujet est abordé en trame de fond: le bioconservatisme et la peur de ces technologies. Faut-il les embrasser complètement ? Comment légiférer autour de ces innovations pour éviter une société totalitaire comme dans laquelle semble sombrer la Chine ?

Une des critiques récurrente à l'égard de l'auteur est son manque de prise de recul par rapport à ce futur qu'il dessine : est-ce là vraiment le modèle de société qu'on désire poursuivre ? Pour moi, les auteurs de cette réflexion n'ont rien compris aux idées développées par Laurent Alexandre, qu'il explicite par ailleurs dans son livre; ces idéaux moraux que nous portons comme étendards risquent d'être notre propre linceul dans la guerre économique qui se prépare. Notre morale judéo-chrétienne nous aveugle et nous empêche de voir que ce monde décrit par Alexandre est déjà à nos portes, et que refuser de jouer le jeu, c'est dors-et-déjà accepter que nos petits-enfants apprendront le mandarin.

Si je ne mets que 6 étoiles à cet essai, c'est parce que le style est vraiment à déplorer, j'en ai trouvé la lecture plutôt laborieuse, pour un français qui est pourtant à la portée de tous. Les idées semblent décousues, se chevauchant sans cesse (le sujet est difficile à traiter à la décharge de l'auteur), et malgré un fil rouge explicité à la fin de l'ouvrage, j'ai régulièrement lu des extraits de 20 pages sans rien en apprendre plus que dans les 2 premières.