Le visionnaire libre
Neill était un visionnaire et un pragmatique qui n'a pas abordé les problèmes de l'éducation en termes de besoins, mais en termes de droit. Neill croit en la bonté de l'être humain, et préconise de...
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le 1 avr. 2015
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Résumé de l’œuvre
L’ouvrage La liberté, pas l’anarchie ! Réflexions sur l’éducation d’Alexander Sutherland Neill compile les réponses données par l’auteur aux lettres de parents, d’éducateurs et d’enfants, qui vont le questionner sur sa pédagogie ou lui demander comment ils doivent agir dans telle ou telle situation. Il a écrit cette compilation suite à une demande de son éditeur, face au nombre important de lettres reçues. Les lettres citées dans l’ouvrage sont écrites exclusivement par les lecteurs américains des ouvrages d’Alexander Sutherland Neill.
Dans ses réponses, Alexander Sutherland Neill aborde plusieurs sujets, tels que l’école, l’autonomie de l’enfant, les problèmes spécifiques liés à l’enfance et à l’adolescence, les tensions familiales ou encore les « attitudes anti-vie », nocives pour l’enfant. L’expression « attitudes anti-vie » représente les demandes faites aux enfants, liées aux conventions sociales, aux manières, à l’étiquette, et qui empêchent les enfants de se développer pleinement, dans la liberté.
Il donne des conseils et son point de vue sur les situations apportées par les parents. D’autre part, il n’hésite pas orienter les parents vers des psychothérapeutes si cela lui semble nécessaire, vis-à-vis des situations évoquées.
Analyse critique de l’ouvrage
Cet ouvrage s’adresse spécifiquement aux parents d’enfants américains, qui, touchés par les lectures concernant l’école de Summerhill, se sont posés des questions et qui les ont posés à Alexander S. Neill. Il permet d’avoir une initiation à la pédagogie de la liberté développée par Alexander Sutherland Neill. Ce livre vient combler une absence pour les parents américains, qui connaissaient l’école de Summerhill, mais qui n’avaient pas de réponses précises à leurs questions, concernant l’éducation d’enfants et d’adolescents américains.
Mais ce livre s’adresse aussi à tous parents d’enfants ou d’adolescents, éducateurs, futurs parents ou curieux qui s’intéresseraient au sujet traité par l’auteur. Le fait que le livre soit organisé sur le principe des questions réponses facilite la lecture et la compréhension de concepts, qui, dans un autre contexte, auraient pu être moins facilement accessible à des néophytes. Cet ouvrage est donc globalement accessible à un large public.
Les théories d’Alexander Sutherland Neill étaient très novatrices pour l’époque. Ces ouvrages et l’école qu’il a monté ont subi beaucoup de critiques, ont posé de nombreuses questions et provoqué des débats. De nos jours, ses théories restent, sont peu connus et peu appliqués par les pédagogues. Le lecteur pourra ici trouver un ouvrage facilement compréhensible et invitant à des lectures supplémentaires.
Alexander S. Neill explique dès le début de son ouvrage qu’il ne sera « qu’un complément à (sa) philosophie et quelques conseils au regard de situations spécifiques » (page 11), ainsi il explique que ce livre n’apporte rien de plus à sa pédagogie, il permet juste de répondre aux nombreuses questions qui lui ont été adressées, et ainsi de continuer ses réflexions sur l’éducation. Toutefois, sans rien apporter de nouveau, il est un résumé assez pertinent de la pensée développée par Alexander S. Neill.
L’auteur précise que les conseils et les avis donnés dans cet ouvrage sont différents de ceux qu’il peut être amené à dispenser envers les familles Anglaises. En effet, avec le permis de conduire à 16 ans pour les adolescents américains ou les différences de cultures qui peuvent exister, les situations présentées doivent être regardées sous un angle différent. Il essaye ainsi de s’adapter à ces différences dans ses réponses, et d’autre part, il explique parfois qu’il ne connaît pas toujours les situations évoquées, car il ne les rencontre pas chez lui. Par exemple, à des parents qui lui parlent de discrimination raciale dans leur région, il explique « Je ne connais pas le sud des États-Unis » (page 44), puis il entame une réflexion sur le thème des discriminations, avant d’expliquer aux parents qu’il ne sait comment les conseiller face à cela.
Dès l’avant-propos de son ouvrage, Alexander S. Neill se place face aux critiques qui surgissent à l’encontre de sa pédagogie. En effet, il cherche avant tout à définir les grands points de sa pédagogie, ce qu’il entend lorsqu’il parle de liberté. Il tient à différencier la liberté et l’anarchie, tel qu’il le fait déjà dans son titre. Il explique que « la liberté ne veut pas dire qu’un enfant peut faire tout ce qu’il veut ou avoir tout ce qu’il désire ». Pour lui, l’anarchie est une interférence avec la liberté des autres. De plus, la liberté nécessite une discipline personnelle, de penser aux autres, de respecter leurs droits. Il insiste ainsi sur cette opposition entre anarchie et liberté dans sa pédagogie, pour faire face à ses détracteurs, et déconstruire les critiques qui lui sont portées.
À travers les réponses qu’il apporte aux questions des parents américains, Alexander S. Neill va également critiquer la pédagogie traditionnelle et les écoles classiques. Il va même jusqu’à qualifier l’éducation telle qu’elle est dispensée dans les milieux scolaires de son époque de « vaste farce », à la page 49. D’autre part, il explique que sa pédagogie est quasiment impossible à appliquer dans les écoles traditionnelles. En effet, lorsque l’on teste la pédagogie de la liberté, on est d’abord face au chahut des enfants et des adolescents, qui vient à se calmer par la suite. Le chahut est considéré comme un stade, qui va s’épuiser de lui-même, mais qui n’est pas forcément accepté dans les écoles traditionnelles.
L’auteur invite régulièrement au débat et à la remise en question. Par exemple, à des parents qui s’inquiètent que leur fille rentre parfois très tard le soir, il réplique « et vous, êtes-vous jamais rentrée tard à la maison quand vous aviez dix-sept ans ? » (Page 136). Cela peut permettre aux parents de se souvenir de la personne qu’ils étaient lorsqu’ils étaient eux-mêmes adolescents.
Néanmoins, Alexander S. Neill peut parfois avoir des propos qui peuvent être difficiles à lire pour des parents en plein questionnement et doute par rapport à l’éducation leurs enfants. Par exemple, page 70, il écrit : « Je ne suis pas d’accord avec les parents. Ils ne savent pas ce qui est salutaire à leurs enfants ». En écrivant ceci, il exprime le fondement de sa pédagogie et son point de vue, mais certains parents peuvent potentiellement être blessé par cette phrase. Sa façon de s’exprimer et de relater ses idées pourrait être un de ses points faibles de son ouvrage.
Dans cet ouvrage, Alexander S. Neill semble prendre du recul sur sa pédagogie et ce qu’il a mis en place depuis l’ouverture de Summerhill. Il utilise très souvent des exemples tirés de sa propre expérience pour illustrer ses propos et ses points théoriques, cela lui permet de revenir sur la façon dont il travaillait et travaille. D’autre part, il n’hésite pas à dire « je ne sais pas » ou « je ne puis vous conseiller » lorsqu’il ne sait que répondre.
Il est assez critique envers son propre modèle pédagogique. Par exemple, dans le chapitre 10, il va déconseiller explicitement un jeune éducateur de tenter la même expérience que lui. En effet, il lui dit « Ne le faites pas », « Abstenez-vous d’ouvrir une école », dès les premiers mots de la page 195. Il explique à cet éducateur qu’il fera face à de nombreuses difficultés et détracteurs, et que, de ce fait, il est réellement compliqué de monter une école de Summerhill. Cela se rapproche de l’avant-propos, dans lequel Alexander S. Neill commençait tout d’abord par se justifier et expliquer précisément son point de vue, avant même d’entrer dans le vif du sujet de l’ouvrage.
Lors de la lecture de ce texte, il s’avère important de prendre en compte l’époque à laquelle A.S. Neill a écrit ses réponses et le contexte politique, économique et sociale des années 1960. En effet, l’auteur évoque par exemple le Viêt-Nam, la Rhodésie, la peur de la bombe atomique ou encore une hypothétique troisième guerre mondiale. Il met en lien les réactions des enfants et adolescents avec les événements contemporains à l’époque où il écrit. Ces évènements participent à l’état d’esprit de la population, pour l’auteur cela explique certains comportements de l’adolescence, comme les conduites à risques avec l’alcool ou la cigarette.
Cette dimension historique n’enlève pas à son texte l’intérêt qu’il peut avoir aujourd’hui, mais il semble pertinent de lire ces passages avec le recul nécessaire à l’époque où ils ont été écrits. De plus, ces passages peuvent être compris au regard des événements actuels également, qui renvoient aux événements passés qui pouvaient influencer l’état d’esprit de la population. Enfin, la compréhension de l’adolescence a évolué de nos jours, et il semblerait également important de prendre cela en compte pour comprendre pleinement les situations proposées par les parents et les adolescents dans le livre d’Alexander S. Neill.
L’un des manques de cet ouvrage pourrait être le fait que l’école de Summerhill n’est pas décrite et expliquée précisément. Il ne s’agit pas du but premier de ce livre, toutefois un rappel aurait pu être pertinent. La liberté, pas l’anarchie peut être une introduction, mais qui ne prend pas en compte tous les tenants et les aboutissants de la pédagogie d’Alexander S. Neill.
D’autre part, les quelques manques de l’ouvrage peuvent également amener à s’intéresser plus en détail aux autres ouvrages d’Alexander S. Neill. Ainsi, par de nombreux côtés, cet ouvrage est une invitation à découvrir plus en détail les nombreux ouvrages d’Alexander S. Neill et à explorer sa pédagogie de la liberté.
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Créée
le 21 déc. 2015
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