Écrite en 1983 dans sa version originale états-unienne, il aura fallut attendre 2021 pour avoir une version en français. L'autrice aurait souhaité élaborer une histoire de fantômes pour la jeunesse qui serait une "vraie" histoire de fantômes, non pas une histoire où les phénomènes surnaturels ne seraient en réalité qu'un coup monté ou un déguisement. Une autrice qui aurait tâté de la plume dès l'âge de huit ans. Vous trouverez ces informations dans la préface écrite par l'auteur R.L Stine.



Amy, presque 13 ans, aimerait pouvoir se faire des amies et traîner comme les autres ados. C'est néanmoins chose difficile quand elle doit prendre soin de sa sœur ainée, Louann, qui a une déficience intellectuelle et requiert plus d'attention. Sa mère fait peser sur un elle des responsabilités par rapport à sa sœur. Alors qu'elle rencontre Ellen, une nouvelle venue dans la petite municipalité de Claiborne, leur sortie au centre commercial tourne au vinaigre quand Louann est impliqué dans une altercation avec un fleuriste. Pour Amy, c'est la goutte de trop, surtout qu'elle croit qu'Ellen décommande leur sortie en prétextant l'arrivé d'un couple de sa famille chez elle. Elle trouve refuge chez sa tante Clare, qui est revenue dans les environs pour vider et vendre la propriété des grand-parents d'Amy, décédés il y a longtemps. Sa tante lui propose de prendre des vacances chez elle pour l'été, histoire de lui donner du temps pour elle et, pour sa part, profiter d'un peu de compagnie. Quand Amy explore le grenier encombré avec sa tante, elle découvre une superbe maison de poupée, une réplique exacte de la maison, avec des détails précis et un respect de la réalité vraiment frappant. Même les poupées sont des répliques miniatures des membres de la famille: les grand-parent, Clare et son petit frère, le père d'Amy. Mais bien vite, l'atmosphère triste de la demeure n'est pas la seule source de malaise de la jeune adolescente. Persuadée d'avoir laissé les membres de la famille à la table de la salle à manger de la maisonnette, quand elle a montré la maison de poupée à Ellen, avec qui elle est toujours en contact, voilà que la poupée de la grand-mère se retrouve debout dans le petit salon. Et ce déplacement mystérieux n'est que le premier de nombreux autres.



C'est une histoire passionnante, je dois dire. Je craignais de deviner qui a assassiné les grand-parents, car là est la grande question, mais c'est pratiquement impossible à faire.



J'apprécie aussi le thème de la famille surprotectrice d'un enfant avec un handicap et une certaine forme de parentification d'un enfant par rapport à l'autre. Amy jongle avec sa culpabilité de ne pas en faire plus pour sa sœur handicapée et d'aspirer à plus d'espace pour elle-même, tout en implorant une plus grande liberté. L'équilibre entre ses besoins d'adolescente en pleine recherche d'autonomie et d'espace privé se heurte aux besoins que la mère d'Amy estime nécessaires à Louann . Néanmoins, cette maman tend à mettre trop de responsabilités sur l'une, et vraiment trop peu pour l'autre. Quand Louann visite Madame Peck, qui va la garder quand Amy va aller passer ses vacances chez sa tante, elle développe des habiletés et assume de nouvelles tâches. Cela illustre à quel point Louann est couvée, alors qu'elle pourrait être responsabilisé davantage. Cela lui servirait et la valoriserait. À L'opposé, la maman attends de son cadette qu'elle soit toujours avec sa sœur pour la protéger, alors que ce n'est pas un rôle pour un enfant ou un adolescent. C'est ce qu'on appelle "parentification", quand un enfant assume des responsabilités d'adulte. Dans l'histoire, nous naviguons donc sur cette sororité singulière, qui se cherche un équilibre. Amy évolue à ce sujet, passant d'un trop pleins à un acquiescement sincère quand à sa relation sororale. L'idée n'est pas de ne pas être impliquée auprès de sa soeur, mais qu'il y ait un rapport sain entre elles, où elles partagent une relation, plutôt qu,une relation unidirectionnelle. Ce n'est pas facile, assurément. Le thème est somme toute bien développé et ouvre sur une sororité plus harmonieuse, où Louann présente une force qui lui est propre, arrive à se faire des amies et a tout-à-fait la capacité d'évoluer en tant que personne. Amy jongle entre son égocentrisme adolescent ( normal, soit dit en passant) , sa culpabilité nourrie de ressentiment et son affection réelle pour Louann. Amy a du lâcher prise à faire, Louann a besoin qu'on cesse de la traiter en petit enfant.



Du côté des adultes, Clare aussi est un personnage complexe. D'humeur changeante, de tempérament réactif , elle a néanmoins un bon fonds. Tout comme Amy, elle a été une adolescente étouffée par les exigences de ses tuteurs, et c'est sans doute ce qui la rend compréhensive face à la situation d'Amy. Elle trimballe également une histoire familiale sombre, puisque ses grand-parents furent assassinés et qu'aucun coupable ne fut trouvé. Un personnage pleine de bonne volonté, mais maladroite dans la gestion de ses émotions. Il y a donc, je trouve, une recherche derrière les personnages de cette histoire, qui aurait pu tenir même sans le volet surnaturel.



Le surnaturel, donc. Ce qui est étonnant, par rapport à certains autres romans jeunesse au registre de l'épouvante, c'est qu'on ne saura jamais ce qui est arrivé à cette maison aux poupées qui se déplacent. Étaient-ce vraiment des fantômes? Étaient-ce des poupées habités par des âmes? Était-ce leur volonté ou celle des grand-parents? On ne saura jamais et au fond, peut importe. Elles ont livrer leur message, c'est l'important.



Attention-Dilvugâche

La fin m'a semblé un chouia incohérente, en ce sens où les évènements entourant les meurtres sont un peu insensés. La fuite de la grand-mère dans le petit salon avec le petit frère ( elle a eu le temps de rechercher le petit frère, descendre en bas, poser le meuble, écrire la lettre d'inculpation, alors que le mari est tiré d'une balle dans la chambre au même étage, ce qui est temporellement improbable), le choix du lieu de fuite (pourquoi pas dehors?), la lettre écrite ( elle a eu le temps?) et sa cachette beaucoup trop bien cachée ( à moins de revenir d'entre les mort pour indiquer la cachette, autrement, c'est peu intuitif de chercher là) me laisse perplexe.



Il est à noté que la différence technologique explique aussi qu'une ligne téléphonique coupée suffise pour isoler les habitants d'une maison, dans les années 50 comme dans les année 80.



Je ne sais pas si mes amateurs d'épouvante adolescent.e.s assidus de ce genre littéraire seront véritablement effrayés par cette histoire, mais pour ceux et celles qui sont plus néophytes ou facilement impressionnables ou simplement amateur/amatrices d'histoires de fantômes devraient apprécier. Il pourrait aussi convenir aux 10-12 ans qui raffolent du genre, car ce roman n'est pas sanglant ou horrifiant. Les manifestations surnaturelles se limitent à la maison de poupée et restent très légères. Je dois dire qu'avec des enfants de 10 ans qui regardent des séries telles que Strangers Things ou pire, Le jeu du calmar, ma conception de ce qui est "horreur/Épouvante" pour la jeunesse est quelque peu malmenée, ces temps-ci...



Un bon roman sur les thèmes de la sororité, de l'adolescence, de la famille et bien sur, d'évènements surnaturels inexpliqués et inexplicables.



Pour un lectorat à partir du premier cycle secondaire ( 13 ans+) ou du troisième cycle primaire ( 11-12 ans) pour les lecteurs initiés/habitués du genre.

Shaynning

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