Difficile serait le mot parfait pour résumer ce livre.
Difficile pour le sujet: l’enfance de Corneille n’est pas banale, certains passages marquent les esprits, et on comprend sans peine le traumatisme trainé par l’auteur.
Difficile aussi de se familiariser avec le style d’écriture: Corneille a décidé d’inclure dans son récit des dialogues imaginés entre son père depuis l’au delà et lui.
Ça lui permet surtout d’expliquer ses doutes, de désamorcer certaines expressions ou phrases qui pourraient choquer.
On sent en permanence la peur de se faire attaquer, et l’envie de répondre avant l’avalanche de reproches. Désamorcer les bombes avant qu’elles n’aient le temps d’être posées. On comprend la volonté de ne pas choquer, la peur de ce que les propos repris à l’infini dans les médias ou réseaux sociaux peuvent dire. On sent la crainte d’engendrer des conflits, la volonté d’aplanir la moindre aspérité: reconnaître ses souffrances, ses défaillances oui, se fâcher avec qui que ce soit, non.


Malheureusement même hors de ces moments de dialogue avec l’au-delà, le style d’écriture manque de fluidité, de naturel. C’est maladroit et ça ne facilite pas la lecture.
On sent une volonté de bien faire, et les quelques métaphores qui pourraient être inspirées sont la plupart du temps mal utilisées, artificielles, ou reprises jusqu’à les user.
L’art de la métaphore est difficile, et s’il est mal distillé on a l’impression que l’écriture est forcée, laborieuse. C’est exactement ce que ce livre évoque: une tentative d’écriture maladroite. (dit la fille qui écrit comme un pied…)


Ça s’améliore sur la fin du récit: quand Corneille évoque ses échecs professionnels: la proximité de ce qu’il raconte explique sans doute cette écriture plus directe, sans faire de multiples références à l’après des “je devais apprendre ça 10 ans plus tard…”, “je ‘n'imaginais pas que….”.
C’est plus sincère aussi, parce qu’il faut pouvoir écrire presque à chaud qu’on a échoué, et à vrai dire c’est cette authenticité qui manquait au reste du récit.(mais la partie "présente" est aussi bien moins lourde à vivre et à décrire).
Certes, l’enfance et l’adolescence de Corneille mériteraient plus de pages que celles qu’il leur consacre, on imagine la difficulté pour un homme de se construire après tout ça, et on sent qu’il a fallu un gros travail pour réussir à revenir sur ces heures noires, pour les livrer par écrit.
Mais l’auteur n’arrive pas à se révéler suffisamment pour qu’on s’émeuve avec lui, il reste distant, on retrouve dans cette absence d’émotion celle dont il dit souffrir pendant presque tout le récit.
Et quand il essaie de faire passer de l'émotion, son style est tellement peu naturel qu'il gâche un récit qui pourtant vaut d'être raconté.


On peut donc le féliciter d’avoir non seulement traversé des épreuves mais d’avoir su s’en sortir et les narrer, par contre on peut déplorer un style qui ne facilite pas la lecture ni l’attachement à sa personne.
Si en plus on démarre sans être fan de Corneille le chanteur, alors forcément toutes les références à ces heures de gloire tombent également à l'eau.

iori
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le 24 nov. 2016

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iori

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