Un TRES grand livre, un drame psychologique poignant déguisé en roman sentimental ; une saga familiale bouleversante, romanesque et très originale.

Rosamond, une dame âgée, vient de mourir en laissant derrière elle un lot d’enregistrements sonores sur lesquels elle retrace, à travers un choix de photos qu’elle commente, les moments les plus intenses de sa vie : l’évacuation des enfants en Angleterre pendant la Seconde guerre mondiale ; sa rencontre avec Beatrix, sa cousine, qui déterminera le reste de son existence ; son amour absolu pour Rebecca, dont elle fait la connaissance pendant ses études et qui devient sa compagne etc. Ces enregistrements, recueillis par Gill, la nièce de Rosamond, sont en fait destinés à une autre femme, Imogen, dont on découvre l’histoire à travers la voix de Rosamond… Coe dépeint superbement le cheminement d’un être qui tente de renouer avec son passé, de lui donner un sens afin d’offrir à Imogen « la conscience de son histoire, de ses origines et de son identité, ainsi que les forces qui l’ont façonnées ». Les photos qu’elle décrit (il y en a vingt) matérialisent, consolident ses souvenirs épars et recentrent le fil parfois digressif de sa pensée (« Peut-être qu’il n’y a pas d’ordre, après tout », dit-elle. « Peut-être que l’ordre naturel des choses, c’est la chaos et l’aléatoire ») ; ces clichés d’un autre temps la poussent à raconter des événements à priori anodins, mais lourds de signification pour elle. Rosamond, par des phrases simples et mesurées, sait mener une histoire, cultiver un certain suspense, et ménager ses effets. Sa voix est tendre et mélancolique; l’émotion jaillit sans prévenir. Le lecteur est dans la même position que la destinataire des cassettes (on ne voit pas les photos; on ne peut que les imaginer, grâce aux descriptions de Rosamond).

Ce qui me fait aimer Jonathan Coe de plus en plus, c’est que ce livre ne ressemble à aucun de ses autres romans (toujours pleins d’humour et d’ironie) ; ici, c’est la mélancolie qui prédomine. J’ai lu ce petit bijou en retenant mon souffle, comme si la fragilité des souvenirs de cette femme était bien réelle…l’écriture de Coe est simple mais très évocatrice. Le livre est une merveille ; son atmosphère pleine d’émotion et de délicatesse vous hantera longtemps après avoir tourné la dernière page.
Frankoix
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le 22 mars 2013

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