« J’avais honte de ce qui m’arrivait. Honte d’en parler. Honte que les autres le sachent. Honte de ne pas arriver à le dire. »
Mia était pourtant tellement contente de ressentir cette douleur juste au-dessus du cœur. « Le tout début du commencement du départ des seins qui poussent ! ». Enfin, l’événement tant attendu était en marche, un vrai soulagement et une grande fierté. Mais très vite, la jeune fille a déchanté : « C'est à partir des p'tits œufs au plat que tout s'est déglingué. Comme s'ils s'étaient passé le mot pour gâcher ma joie toute nouvelle. Ça a commencé dans le bus. C'est là que j'ai vu le regard des hommes changer. Enfin de certains hommes... Ceux-là, ils ne se gênaient pas pour me regarder. Ou plutôt pour me regarder directement dans les seins. Pas gênés ! Tranquilles. Je détestais ça. »
Surtout, l’attitude de son beau-père change. Monsieur se permet d’entrer sans prévenir dans la salle bain pendant qu’elle prend sa douche quand sa mère n’est pas là. Mia met en vain des stratagèmes pour éviter toute intrusion. La situation la mine de plus en plus, elle refuse de se confier et ne supporte plus la situation…
Attention, sujet archi casse-gueule. Le beau-père qui dérape avec une gamine de 11 ans dans un roman jeunesse, c’est un peu un exercice d’équilibriste. Sandrine Beau marche sur un fil mais elle le fait avec une belle assurance. Pas question de tomber dans le sordide tout en restant réaliste. Le malaise est bien présent mais jamais il ne devient étouffant. La suggestion ne laisse place à aucune ambiguïté, sans choquer, et la voix de Mia est d’une justesse touchante.
Un roman parfait pour aborder la question avec de jeunes ados. L’importance de préserver son intimité, les métamorphoses du corps pouvant impliquer un changement de comportement et de regard chez les tiers, la nécessité absolue de ne pas garder les choses pour soi, de confier sa souffrance, de ne pas tomber dans le piège de la victime qui se sent coupable. Une vraie réussite et un pari difficile relevé haut la main.