Friedrich DÜRRENMATT(1), auteur suisse (né en 1921 et décédé en 1990) est, semble-t-il, un auteur très étudié dans les écoles d’expression germanophone est trop souvent méconnu des lecteurs francophones, quel dommage ! Dans le roman, « Das versprechen », La Promesse, Armel Guerne a réalisé un bon travail de traduction et, grâce au bienveillant concours d’une amie venue de Suisse, il m’a donc été loisible de rentrer dans cet univers dürrenmattien que je ne connaissais pas. Une bien belle découverte, un réel plaisir !
Ce livre a pour sous-titre Requiem pour le roman policier, tout un programme… DÜRRENMATT, met en scène un ex-commissaire de police Zurichois, l’ex-bras droit de ce dernier, Matthieu, un flic bourré de talents à l’intuition singulière et un écrivain-professeur, chargé de conférence sur l’art et la maîtrise de l’écriture de romans policiers.
L’affaire est ‘on ne peut plus trouble’… Une fillette a été tuée dans les bois, passée au rasoir ! L’enquête aboutit immédiatement sur un suspect. La foule veut le lyncher… Il faut que justice soit faite! L’inspecteur Matthieu calme le jeu mais en fait la promesse.
C’est alors que les nœuds se resserrent. Les évidences disparaissent, les questions s’imposent comme des évidences. L’innocent est-il coupable, le coupable innocent ? Ne sachant trop rien de l’assassin, la seule piste pour Matthieu est de suivre la prochaine victime…
Un hymne à la patience, à moins que ce ne soit à la folie lorsqu’elle prend le pas sur la raison, les devoirs d’enquête et la logique d’une pensée dûment étayé. Je n’en dirai pas plus… A vous de lire !
Ce roman, très court (155 pages, en Livre de poche) est solidement construit. Il nous emmène là où on ne s’y attend pas. On suit le récit des cogitations, actions, réactions des protagonistes de l’histoire. Et, en filigrane, l’interrogation de l’auteur sur la construction même d’un roman policier et du placement des indices utiles ou des points d’ancrage (encrage ?) que tout écrivain du genre place dans sa prose pour édifier le lecteur et permettre à son récit de se terminer selon une fin morale, possible quoique inattendue. On y trouve aussi, pour autant que je puisse en juger, une belle description du pays suisse, de la région où se déroule l’action, de son climat qui, parfois, pèse comme un couvercle. On y sent le froid, les brumes, la tristesse qu’une ouverture de nuages dissipe, qu’une fermeture réactive. Et puis, cerise, on y trouve, çà et là, quelques relents de cet humour caustique que les Suisses peuvent à l’occasion développer(2)
Un vrai plaisir donc que cette découverte de DÜRRENMATT ! Envie de vous la partager…
(1) Diplômé en Littérature allemande et Histoire de l'Art, Friedrich DÜRRENMATT étudie aussi la Théologie et les Sciences. Il est l’auteur de pièces telles que Les fous de Dieu (1947), Les physiciens (1962), Le Météore (1966), de roman, Le juge et son bourreau (1952), La Panne (1956) ou encore La visite de la vieille dame (1956).
(2) Cet antichambre, j’aurais mauvaise grâce à le nier, était dans un désordre épouvantable, et l’on pouvait y voir quantité de livres au milieu des dossiers ; je professe l’opinion que c’est un devoir qui incombe à chacun, dans un pays d’ordre et de propreté, de se ménager quelque part, de constituer par principe de petits îlots de désordre, quand bien même ce ne serait qu’en cachette.
Toutes ces fleurs, nous expliqua-t-elle, c’était sa sœur qui les lui avait envoyées, uniquement pour l’agacer, parce qu’elle savait très bien qu’elle avait horreur des fleurs et de tous les cadeaux inutiles … Mais, que je n’aille surtout pas m’imaginer qu’elles eussent jamais eu une dispute entre elles. Oh ! que non ! Tout se passait dans les formes et elles avaient l’une pour l’autre que gentillesses exquises et délicates attentions, toujours par pure méchanceté, bien sûr !