Tout un concept ce titre. La société du sans-contact c'est « une société où les humains ont tendance à moins se regarder, se toucher et s'embrasser ». C'est quelque chose qui va sûrement s'accentuer dans les années à venir. J'aurais aimé que cette vision soit davantage développée. En fait il s'agit surtout ici du point commun entre les différentes évolutions abordées. Le confinement sert aussi de fil rouge à cet essai. Il faut dire que le numérique change complètement nos manières de sociabiliser, de travailler, d'aimer, mais aussi notre rapport à la mort, à l'ordre et à l'État. Un changement pour le pire ?
C'est ce que laisse présager le sous-titre. Dans cet ouvrage technocritique et pessimiste, François Saltiel pointe habilement les nombreuses menaces sur notre vie privée. Il prend aussi la défense des petites mains qui se serrent les coudes en luttant contre les gros cerveaux qui font de gros profits en profitant de nos petites faiblesses. Le présage est donc mauvais et le techlash bien mérité.
Pourtant le ton est souvent léger, familier. Les sous-chapitres sont courts, comme les chroniques qu'il présente à l'émission 28 minutes. Il y a bien sûr quelques répétitions, imprécisions et autres raccourcis. Mais je crois qu'il faut reconnaître au journaliste un grand sens des tendances, une solide culture (nombreuses références à la culture populaire), ainsi qu'un humour bienvenu. Il s'agit donc d'un texte qui se lit avec plaisir, facilement et rapidement. Parfait pour une première approche du sujet. Pour les plus âgés ou cultivés, je recommanderais plutôt le livre du patron de Saltiel à Arte, Bruno Patino (La civilisation du poisson rouge: Petit traité sur le marché de l'attention, Grasset, 2019).


Comme moi, François Saltiel a grandi dans les années 80 avec des valeurs post-soixante-huitardes. Les utopies libertaires ont semble-t-il mal tourné, se transformant en surveillance généralisée et dystopique à la Black Mirror. Que s'est-il passé ? Une révolution, celle du numérique. Un changement de paradigme qui fait des heureux et des malheureux, des gagnants et des perdants. D'un côté, des « nomades virtuels » [1], usagers usés et désenchantés, parfois esseulés, dans le déni voire la folie, l'illusion et même l'addiction, cherchant confort et réconfort dans le techno-cocon de leurs conforteresses [2]. De l'autre, les winners de la Silicon Valley. Des tech moguls qui, au lieu de sauver la planète, voudraient se sauver de la planète. Ils rêvent de voyage spatial alors que les hippies aspiraient au retour à la terre. Aujourd'hui ce que propose l'auteur, c'est le retour à la vie réelle, à l'IRL, dans l'espoir de conjurer l'escapism dans l'irréel. Espoir vain et combat d'arrière-garde à mon avis. Car le vœu pieux du retour en arrière n'empêchera pas la fuite en avant.




Notes :
[1] Jacques Attali, Une brève histoire de l'avenir, Fayard, 2015
[2] néologismes d'Alain Damasio

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le 18 juil. 2021

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Tom

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