En 1902, Edith Wharton publie cette nouvelle fantastique à l'atmosphère oppressante de maison hantée. Quatre ans plus tôt, Henry James, autre auteur new-yorkais de talent, publiait "Le tour d'écrou". Ces deux nouvelles témoignent d'un regain d'intérêt pour le genre "gothique" et d'un besoin de renouveau à la fois. Ces deux éléments combinés donne le fantastique, un genre émergent d'où les vampires, fantômes et autres spectres du genre gothique sont désormais davantage absents mais où les vieilles demeures gardent leurs secrets bien à l'abri, où les portes grincent, où les tapis étouffent le bruit des pas, où les domestiques ont des mines chafouines et où enfin, une jeune héroïne, gouvernante ou femme de chambre, est le jouet d'illusions et de frayeurs.
"La sonnette de Madame" m'a paru moins lugubre que "Le tour d'écrou" et j'ai davantage adhéré au récit. Alice Hartley, jeune femme de chambre, a été guérie de la typhoïde. Affaiblie, elle est engagée en qualité de dame de compagnie de Mme Brympton, une femme chétive et mal-mariée qui vit seule dans la grande maison familiale. Dès son arrivée, Alice rencontre une certaine Emma Saxon, figure pâle et lugubre qu'elle semble être la seule à pouvoir voir. Quel n'est pas son étonnement d'apprendre que cette femme était l'ancienne femme de chambre de sa maîtresse...
La plume d'Edith Wharton possède cette magie du talent qui vous pousse à la suivre jusqu'au dénouement. Chaque phrase est un régal d'évocation précise et ses personnages sont très vivants (quoique concernant Emma Saxon, "vivant" n'est peut-être pas l'adjectif le plus approprié). Dommage que le mystère ne s'éclaircisse pas avec la chute de cette nouvelle qui laisse le lecteur sur sa faim et sur un goût d'inachevé. J'aurais bien suivi Alice un peu plus loin.