« La tactique katangaise, ça s'est du solide » (p.61)
Le jeune romancier belge Nicolas Marchal nous fait partager dans son roman "La tactique katangaise" un moment de la vie de quatre personnages bien différents les uns des autres, liés cependant entre eux par un roman éponyme sur le Congo de l'époque coloniale.
Sorti en 2011, "La tactique katangaise", deuxième roman du jeune auteur belge Nicolas Marchal, s'adresse à un public de jeunes adultes. L'auteur nous raconte un moment de la vie de quatre personnes très différentes les unes des autres mais toutes en quête d'une même chose : être intéressant, héroïque aux yeux d'une personne aimée. Le roman tourne autour d'une histoire, d'un livre, « La tactique katangaise [...] une des œuvres populaires les plus touchantes à propos de l'époque coloniale » (p.42). Ce roman est le lien matériel entre les quatre personnages.
Henriette voudrait capter l'attention de Stan, son petit-fils, attention qu'elle a perdue depuis de nombreuses années. Elle décide d'attribuer au grand-père décédé la vie d'agent secret au Congo du héros du roman, elle raconte à Stan, au fur et à mesure de sa lecture, cette vie empruntée. L'histoire du grand-père agent secret fascine l'adolescent et devrait lui permettre d'impressionner, du moins l'espère-t-il, la jeune fille dont il est amoureux. Pour obtenir des renseignements supplémentaires sur la période coloniale, il s'adresse à son professeur d'histoire Monsieur Floyon. Celui-ci aimerait, pour plaire à sa collègue Marie, être un historien aventurier et déjouer les complots gouvernementaux. Il prête à Stan son roman fétiche « La tactique katangaise ». Le professeur a récemment proposé de donner le nom de l'auteur du roman à la bibliothèque du Musée de la ville consacré au Congo. Lorsque Joseph, l'auteur du roman, apprend par le journal cette information, contrarié, il quitte la maison de retraite, bien décidé à accomplir un acte héroïque dans le but de se faire pardonner de son épouse décédée qu'il avait délaissée au profit de l'écriture de son roman.
Nicolas Marchal donne à chacun de ses personnages la parole à tour de rôle. Chaque protagoniste possède ses propres chapitres pour raconter, pour se raconter.
Henriette raconte son passé en mélangeant sa véritable histoire d'amour avec celle des héros du roman. Elle s'adresse à la photo du grand-père décédé. Stan nous livre son présent mais aussi ses espoirs. Ses pensées sont entrecoupées de mémos plus terre-à-terre. « CHANGER : de chaussettes » (p. 182), par exemple. Monsieur Floyon, aigri et paranoïaque, livre ses réflexions sur le monde et sur tous les complots qui nous entourent. Il s'adresse en pensée à Marie. Joseph nous raconte sa vie où se mêlent son passé, son présent, ses remords.
C'est avec humour, humour souvent caustique, mais aussi par moment dans un style (presque) poétique que Nicolas Marchal nous fait son récit. L'auteur mêle différents registres de la langue. Qui pourrait imaginer que se côtoient dans un même livre des phrases telles que : « La tronche qu'ils ont dû tirer à l'hospice, cette vilaine concierge dans son caca, engueulée à mort » (p.67) et « Le titre zébrait le ciel et y soufflait l'ouragan de ses occlusives sourdes, les vélaires balayant vers l'ouest, les dentales vers l'est » (p.59) ?
Il est évident que l'écrivain a pris beaucoup de plaisir à écrire son roman, à jouer avec l'histoire et à tenir des propos à la limite du choquant. « Le pétrole égyptien [...] concurrence si déloyale que les mines ferment le long de la Sambre, la C.I.A. serait derrière l'incendie du Bois du Cazier » (p.28).
Le premier roman « Les conquêtes véritables » de Nicolas Marchal a reçu le Prix Première en 2009. Avec "La tactique katangaise", son deuxième roman, le jeune professeur de français de 35 ans confirme son talent d'écrivain. Il peut donc (pour notre plus grande satisfaction d'ailleurs) « se mêler de faire l'auteur, l'auteur » (p.44). Il peut cependant quand même de temps en temps, s'il le souhaite, « promener son chien ou se gratter la plante des pieds » (p.44).
"La tactique katangaise" de Nicolas Marchal, est un livre qui vaut la peine d'être lu et, pour être certain de ne pas passer à côté de ce roman belge... comme Stan, un petit mémo :
« LIRE : ce livre » (p.226).
Nicolas Marchal, La tactique katangaise, Bruxelles, Editions La muette et Le Bord de l'eau, 2011, 234p.