Entre une belgitude qui fait du bien et une atmosphère dérangeante

Avec « La tactique katangaise », Nicolas Marchal, professeur de français originaire de Namur, ne nous fait pas vibrer ni vivre une aventure à la Indiana Jones comme le présage le titre. Néanmoins, sa « belgitude » se fait ressentir dans ce roman terriblement réaliste.

« On peut dire que ça pose vachement son homme, cette affaire d'agent secret en Afrique. Si ça n'impressionne pas Cynthia, je ne comprends plus rien aux filles. » (p. 11)
C'est ainsi que commence « La tactique katangaise », l'auteur laisse la parole à Stan, un adolescent de rhétorique, terriblement agaçant et qui développe un intérêt soudain pour son grand-père, décédé depuis peu.

La mamy de Stan joue aussi un rôle important dans l'histoire, elle lui raconte la vie d'agent secret au Congo de son défunt mari. C'est une vieille dame qui correspond à l'image qu'on se fait des veuves esseulées : elle est aigrie, idéalise son époux décédé et lui fait encore régulièrement la conversation.

La parole est aussi donnée à Monsieur Floyon, le professeur d'histoire de Stan. Ce personnage ressemble (malheureusement) bien aux professeurs qu'on rencontre en humanités : un vieux garçon blasé qui a deux passions ; la première c'est Marie, une jeune prof inaccessible et la seconde est de montrer sa (prétendue) supériorité aux élèves qui ne le prennent pas au sérieux.

Et finalement on retrouve Joseph, un vieil homme rongé par la culpabilité après la mort de son épouse. Ces quatre personnages sont intimement liés par un livre, cette fameuse « Tactique katangaise ».

Ce 2ème roman de l'auteur belge a beaucoup de défauts. Parmi ceux-ci on relève le style d'écriture. Le lecteur est épuisé par les phrases courtes qui s'enchainent, comme une sorte d'écriture automatique.
« Hors la soif de Culture – un élève tous les vingt ans – moi seul ai une excuse : mon salaire. » (p. 25)

L'ambiance générale du livre est bonne au début mais elle devient pesante à partir du troisième chapitre, quand on découvre le personnage de Monsieur Floyon, un homme qui nous parait repoussant. À partir de là, on a l'impression que le livre sent le vieux, ou les cheveux gras d'ado. Sans parler des références aux excréments qui sont vraiment nombreuses et qui peuvent déranger dans cette atmosphère.
« Je ne pousse même pas. C'est ça l'art de chier en prenant son temps. Quand on pousse, tout se passe si vite. Laisser le corps faire son boulot comme un grand, tout seul lui aussi. Ne pas faire à son cul ce qu'on ne voudrait pas pour soi-même : l'assister. Quand il sera prêt mon étron filera entre mes cuisses et s'en ira plonger dans le fond de la cuvette. » (p. 51)

Un autre défaut (mais qui n'en est pas un pour tout le monde) se trouve dans le personnage de Stan, tellement stupide qu'on a envie de lui mettre des gifles à chaque mot, les jeunes trop naïfs peuvent vraiment énerver.

D'accord, on peut le voir de manière très négative et on rejette définitivement le livre. Mais les belges sont des gens très optimistes et qui ne se prennent pas au sérieux, c'est pour ça qu'on peut trouver aussi des qualités à « La tactique katangaise »...

En effet, ce roman est vraiment drôle. Les vieux aigris, le jeune débile qui ne comprend rien à la vie, le professeur aliéné... Ce sont, malgré tout, des personnages hauts en couleur qui ne nous laissent pas indifférents et qui sont amusants dans leur absurdité.

Et c'est ce qui nous plait dans ce roman, la réalité belge est décrite dans toute sa splendeur : en Belgique, il y a des vieilles personnes qui disent des gros mots et ça nous fait rire, il y a des professeurs qui ressemblent à Monsieur Floyon et ça nous interpelle, il y a aussi des jeunes qui ne comprennent pas la réalité qui les entoure et qu'on envie parce qu'ils ne connaissent pas encore la cruauté du monde. Nicolas Marchal a ce talent, savoir dépeindre des personnages qui paraissent inconcevables mais qui pourraient être vos voisins.

Si on peut ajouter une qualité au roman c'est que l'auteur s'est vraiment documenté et c'est un plaisir en soi pour les amateurs d'histoire (belge surtout).

Finalement, c'est vrai que les défauts sont très présents, l'écriture reste fatigante et l'atmosphère reste suintante. Mais certains balayeront tout ça de la main pour se concentrer le coté drôle des personnages et des situations que l'auteur met en place ; mais aussi sa belgitude affirmée qui nous dépeint un tableau fidèle de « personnages » qu'on peut trouver dans nos contrées, et ça fait du bien.

Nicolas Marchal, La tactique katangaise, Editions La Muette & Editions Le Bord de l'eau, 2011, 234p.
CharlotteZ
5
Écrit par

Créée

le 26 mars 2012

Critique lue 638 fois

3 j'aime

CharlotteZ

Écrit par

Critique lue 638 fois

3

D'autres avis sur La tactique katangaise

La tactique katangaise
FéElisabeth
8

« La tactique katangaise, ça s'est du solide » (p.61)

Le jeune romancier belge Nicolas Marchal nous fait partager dans son roman "La tactique katangaise" un moment de la vie de quatre personnages bien différents les uns des autres, liés cependant entre...

le 1 avr. 2012

4 j'aime

La tactique katangaise
CharlotteZ
5

Entre une belgitude qui fait du bien et une atmosphère dérangeante

Avec « La tactique katangaise », Nicolas Marchal, professeur de français originaire de Namur, ne nous fait pas vibrer ni vivre une aventure à la Indiana Jones comme le présage le titre. Néanmoins, sa...

le 26 mars 2012

3 j'aime

La tactique katangaise
6am
7

Critique de La tactique katangaise par 6am

Un peu d'absurde, ça fait du bien...! Mais quel est ce drôle de titre ? Un livre sur le Congo ? Sur le Katanga ? Eh non, rien de tout ça ! L'action se passe en fait à Namur autour de 4 personnages...

Par

le 27 avr. 2012

2 j'aime

Du même critique

La tactique katangaise
CharlotteZ
5

Entre une belgitude qui fait du bien et une atmosphère dérangeante

Avec « La tactique katangaise », Nicolas Marchal, professeur de français originaire de Namur, ne nous fait pas vibrer ni vivre une aventure à la Indiana Jones comme le présage le titre. Néanmoins, sa...

le 26 mars 2012

3 j'aime

Nemeton
CharlotteZ
7

Très vite lu !

Un livre jeunesse très mignon et agréable à lire. Je ne le conseillerais pas à un adulte forcément mais pour les plus jeunes, c'est une lecture légère qui nous fait rêver et nous emmène dans son...

le 26 févr. 2015