Pas transcendant, mais plaisant et intéressant !
« Un jour, mon appartement a brûlé, et avec lui, toute ma bibliothèque.
Tous les auteurs que j'aimais, ceux qui m'avaient aidée à me construire, ceux qui m'avaient accompagnée comme une famille, ceux qui avaient bercé mes moments de solitude, tous sont partis en fumée. Comme dans un mauvais rêve, une sorte d'holocauste. Sont morts des poètes russes, américains, des romanciers français, anglais, allemands. Et d'une certaine manière, moi aussi, je suis morte avec eux.
À partir de ce moment ma vie a changé. Je n'ai plus cru en rien, ni au bonheur, ni à l'immortalité, ni que la vie puisse avoir une signification. Le fait qu'un appartement et tous les souvenirs qu'il renferme, tous les secrets, se transforment en cendres, le fait d'échapper de justesse à la mort me sont apparus comme l'événement le plus sinistre, le plus dénué de sens qui soit. L'épreuve n'a pas fait de moi une meilleure personne. Je ne suis pas devenue plus sage, plus généreuse, je n'ai pas eu de révélation. Je me suis sentie amoindrie, amère. Je me suis refermée sur moi-même pour lécher mes plaies. » pages 9-10
Après qu'un incendie ait réduit son appartement en cendres, Pauline part à Boston sur les traces du seul livre qui a survéc : La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne, histoire de remettre de l'ordre dans sa tête, dans son corps, dans sa vie. Elle y restera jusqu'à ce qu'elle comprenne ce qu'elle est venue y chercher et y fera des rencontres étonnantes : un libraire-cyclope qui l'effraie, un homme-oiseau qui l'intrigue plus qu'il ne faudrait et une petite vieille complètement barge qui se met en tête de lui faire visiter l'Amérique d'Hawthorne et des transcendantalistes, accoutrée des plus étranges déguisements, en commençant la moitié de ses phrases par « Il faut imaginer qu'à cette époque... » et l'autre par « Mais non, je ne suis pas folle ! » avant de se lancer dans des explications historiques, littéraires et hautes en couleurs d'un port, d'une rue ou d'un bûcher.
Ça se lit sans rechigner, non sans un certain plaisir, même si on peut avoir quelques reproches à faire au roman. Comme une écriture parfois hésitante du fait que l'auteure est à l'origine américaine (elle vit en France et écrit en français). Comme un côté parfois un peu cheap du genre grandes phrases sur la vie, clichés et autres ingrédients de romans féminins (« Ça, my dear, ça s'appelle la vie, le temps qui passe. Cette lessiveuse qui nous secoue et nous recrache, parfois à peine vivants. Parfois morts. Souvent morts d'ailleurs. » page 103 ou encore l'usage hyper fréquent de l'adjectif « charmant »).
Malgré cela, ou peut-être à cause de ça, il ressort du roman une douceur quasi magique et une fraîcheur prêtes à vous entourer, vous envoûter, non sans humour, histoire de vous rendre attachants une héroïne paumée, une vieille qui se déguise en moustachu ou en petite fille pour une raison mystérieuse, ou encore la plume de Patricia Reznikov.
Et ça fonctionne, ça se lit avec un plaisir non dissimulé, on apprend pas mal de choses sur Hawthorne, sa famille, son entourage littéraire (Thoreau et Emmerson, notamment, qui étaient ses amis), on passe un joli moment à Salem, on visite le plus vieux restaurant des États-Unis ou le cimetière de Sleepy Hollow en même temps qu'on découvre l'histoire de personnages qui ont tous des secret qui les hantent. « Mais c'est forcément une histoire très mélancolique, une entreprise vouée à l'échec... » dira Pauline, la narratrice. Et il semble que cette phrase sied bien au roman dans lequel elle tente de survivre.