La trilogie babylonienne par MarianneL
La trilogie babylonienne est un assemblage de trois romans frères ; ils se déroulent tous dans une cité imaginaire nommée Babylone, une cité dont les dérives vont en s'amplifiant mais qui ressemble néanmoins beaucoup aux nôtres.
La première partie, « La naissance de la télévision selon le bouddha », forme une mosaïque de very Short cuts autour des personnages de l'infatigable journaliste TV Sheryl Boncoeur, prête à prendre tous les risques pour alimenter un voyeurisme extrême, de son caméraman Bill qui finira la gorge traversée par une balle explosive, de Lee Jones, écrivain incompris qui finalement rencontre le succès tout en restant incompris, et du sergent américain Steve Kerinsky, qui essaie de donner un sens à une guerre absurde en comptant les corps, la durée des missions, la distance des cibles, bref, tout ce qui peut être compté.
Dans « Taureau jaune », Babylone est maintenant minée par les gangs et par une violence sans cesse croissante. Là, le commissaire Georg Ratner, habité par l'amour de sa femme qui se trouve dans un coma végétatif et le désir pour sa maîtresse, tente sans conviction de retrouver un tueur en série, avec les rêves pour ultime recours.
Enfin, dans « Les Jardins de Babylone », les autorités ont légalisé le crime sous contrat, pour tenter d'endiguer la violence et pour équilibrer les finances de la cité. En contrepartie de leurs crimes, les assassins légaux peuvent avoir le privilège de voir leurs livres publiés. On croise ici un assassin légal, un écrivain « subversif » auteur d'un best-seller clandestin, et la compagne junkie d'un poète génial mort d'une overdose avant la consécration de voir son nom imprimé sur un livre.
La Trilogie babylonienne forme un kaléidoscope fluide, un puzzle violent à caractère prophétique. Avec les correspondances tout au long du roman, une toile de fils ténus mais solides se tisse, pour former un tout très nettement supérieur à la somme de ses trois parties.
«Quelque chose claqua à l'intérieur de Sheryl.
Ses mots se mélangèrent à la salive de sa langue, et sortirent de ses mâchoires serrées en une mélodie improbable. Elle ramassa la camera poisseuse de sang mais qui marchait toujours, et se mit à parcourir ce chaos, filmant sans discontinuer. La petite lumière rouge était son étoile du berger, la guidant à travers ce dédale obscur de violence et de folie.
C'était là la seule lumière qu'elle voyait.
Lorsque les hélicoptères de secours atterrirent enfin, elle filmait toujours, entourée d'un monceau de cadavres qui l'avait miraculeusement protégée des balles et des éclats d'obus. Elle chantait pour elle-même un air qu'aucun des infirmiers ne put reconnaître.»