De retour de La Havane, Léo Martin a rejoint la petite ville de province de Santa Clara et le quartier dont il est originaire et dont il vient de devenir le commissaire. Préoccupé par une vie sentimentale chaotique et par la routine quotidienne faite de petits arrangements avec les règlements rigides du régime, de contrebande, de prostitution à peine dissimulée et de petits règlements de comptes, Léo voit tout sans vraiment rien voir. Mais lorsqu’il doit enquêter sur un trafic de lunettes de soleil et que des meurtres sont commis, il commence à regarder son quartier d’un autre œil et à se demander ce que l’on a bien pu lui cacher ou ce qu’il n’a pas su deviner.

On peut dire que Lunar a mis dans La vie est un tango l’essence du roman noir en y ajoutant un volume de calambuco, cet alcool de canne de mauvaise qualité que se partagent les ivrognes. Suivre les pérégrinations de Léo Martin, ça n’est pas tant entrer dans un roman à énigme, même si cette histoire de trafic de lunettes de soleil titille notre curiosité, que dans un roman social à travers la vie quotidienne d’un quartier pauvre d’une ville cubaine. C’est le portrait d’une Cuba loin des vitrines du régime communiste comme de celles des tour-opérateurs. Une Cuba rationnée, exsangue, où les coupures d’électricités sont quotidiennes, où la vie s’organise autour de la débrouille, des petits trafics, mais où, aussi, la violence peut faire rage et où tous les malfaiteurs ne sont pas dans des centres de rééducation. Le quartier de Léo Martin est un condensé de tout cela, avec une police qui ferme les yeux pour permettre simplement aux habitants de vivre mais aussi parce que mettre à jour trop d’actes contre-révolutionnaires reviendrait à remettre en cause l’efficacité du régime en place. Une schizophrénie dont Léo Martin et ses collègues s’accommodent, mais jusqu’à quel point ? C’est bien là tout le propos de La vie est un tango et de la réflexion d’un Léo dont la frustration le pousserait presque à jalouser les oiseaux : « Je sens quelque chose sur mon épaule, suivi d’une sensation d’humidité. Une tache, jaune brun, confirme ce que je craignais : une chiure de volatile sur mon uniforme. Les oiseaux du parc Vidal peuvent se payer le luxe de ne respecter ni les uniformes, ni les grades militaires, ni les positions sociales, ni les principes, ni les idéologies, ni même leurs mères. Ils chient placidement, où bon leur chante. »

Si Lunar aime évidemment son personnage principal et ceux qui évoluent autour de lui, s’il montre une évidente empathie pour ces gens qui, malgré les difficultés du quotidien continuent à s’aimer, à se haïr et à partager quelques verres comme si de rien n’était, il adopte une toutefois assez de recul pour s’exempter de tout sentimentalisme malvenu, ainsi que le souligne Yann Le Tumelin à propos de Boléro noir à Santa Clara sur le blog Moisson Noire.

On découvre là un auteur à la plume élégante et piquante, des personnages rendus attachant par leurs contradictions, leurs espoirs déçus ou leurs actes décevants, et derrière tout ça cette musique de la vie qui vous met en joie tout en vous serrant le cœur.
EncoreDuNoirYan
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le 4 juin 2013

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