Prodigieux. Vraiment prodigieux.
Je lis Le Comte de Monte-Cristo en ce moment. Il m’en reste quelques deux-cents pages.
Le comte en question est très certainement le personnage le plus captivant, le plus magnétique dont il m’a été donné le privilège d’assister à l’histoire.
Après avoir été trahis, sacrifié par une poignée de ses pairs le jour-même de ses noces. Après avoir croupis quatorze années en geôle, au beau milieu de la méditerranée. Après avoir resurgit de son tombeau, de la manière la plus évocatrice qui soit. Après s’être emparé d’un trésor digne des Mille et une nuits. Après avoir rejoint les plus hautes sphères de la société parisienne de son temps, c’est à dire du dix-neuvième siècle. Comme l’un de ses représentants les mieux estimés de ses pairs. À la fois nouveaux et anciens, car ce sont les mêmes, avant tout cela, qui l’ont trahis, sacrifiés pour devenir comte, banquier ou procureur.
Alors après seulement, Monte-Cristo s’est fait avatar de la Providence. Il est une incarnation divine. De bout en bout, il est tout-puissant. Aucun personnage de fiction ne semble, tout du moins dans une logique narrative, si omnipotent. Aucun obstacle, sous forme de péripétie, ne vient entraver son arc narratif. Qui, plus encore qu’une simple vengeance, est une justice divine. Il châtie aussi bien qu’il peut être miséricordieux. Il est un personnage vraiment singulier dans sa simplicité. Simplement meilleur, plus grand, mieux éclairé que ses contemporains mortels. Impuissants face à lui.
Il est le regard objectif et impartial de cette satire de Paris selon le regard subjectif et partial de Dumas sur cette société qu’il a connu. J’imagine ?
Entre l’homme de loi qui vogue entre république, empire et monarchie selon ce qui lui permet de gravir les échelons de ces sociétés mouvantes. Ou le représentant du capitalisme nouveau capable des plus grandes bassesses pour s’enrichir selon un système dont il fera les frais de l’instabilité. Mais encore le fier homme d’épée, faible, couard, traître, parvenu qui ne doit jamais à lui-même ses incessants succès.
À travers eux, le roman nous dresse le portrait d'une élite sans conviction, qui se plie à un jeu grotesque. Celui de la parure et de l’opulence. Seul point de repère dans un siècle on ne peut plus mouvementé. Où le commérage va bon train, détruisant sans mal réputations et fortunes. Les joueurs les plus habiles ne peuvent donc qu’être maître dans l’art du faux-semblant et de la scélératesse. Des Judas quoi, dans le cas où le parallèle n’est pas encore assez clair pour vous.
Ces quelques mots du Comte lui-même, quelque peu remaniés pour l'occasion, l’expriment bien: Le Comte de Monte-Cristo n'est pas une fable, c'est une allégorie.
Monte-Cristo est captivant en ce sens qu’il est l’envoyé de Dumas dans son monde qui va connaître l’illumination, une absolution de tous les diables. Car là où passe le comte, trépasse le pécheur.
Merci Seigneur de nous laisser apercevoir ce témoignage objectivement subjectif d’avant. Ce me semble maintenant aussi pertinent qu’un bête manuel d’Histoire. Et aussi passionnant qu’un (autre) texte sacré.