"Quand il se réveilla, le dinosaure était encore là."
C'est tout.
Selon certains, "Le Dinosaure" est la nouvelle la plus courte du monde (quoiqu'elle ait été détrônée par quelque chose d'encore plus bref depuis paraît-il); ironiquement, c'est également l'oeuvre la plus connue de son auteur, l'écrivain guatémaltèque Augusto Monterroso. Les ronchons y verront le signe de la décadence de la littérature, de sa "twittérisation" (en gardant cependant à l'esprit que la micronouvelle a été écrite en 1959), moi je trouve ça génial.
"Quand il se réveilla, le dinosaure était encore là."
D'abord, la phrase est agréable à lire. Et puis elle laisse toute un univers de questions en suspens : qui est ce "il" ? Où se trouve-t-il ? Le dinosaure est "encore" là, ce qui signifie qu'il était là avant. D'où vient-il ? Est-ce que "il" l'a rencontré en rêve, et le retrouve à son retour ? Si oui, ont-il vécu des aventures épiques ? Ont-ils sauvé un royaume ensemble ? Ou bien tout cela n'a-t-il rien à voir ? Peut-être est-"il" hanté par un dinosaure vengeur qui le poursuit jusque dans sa chambre ? Les possibilités sont infinies.
"Le Dinosaure" n'est pas une blague, c'est un exercice très particulier : une histoire qui se remplit par le vide. En neuf mots (sept en version originale), Monterroso suggère un univers tout entier que chacun s'appropriera à sa manière. Certains en ont fait des bandes dessinées; pour ma part, je préfère imaginer un mélange de Narnia et d'Alice au Pays des Merveilles, un "il" hanté par un dinosaure maléfique, ou je ne sais quoi d'autre. C'est comme Minecraft : ou vous fournit les briques, à vous de faire le reste. Du reste, c'est facile à apprendre par cœur, et ça vous occupera sûrement la prochaine fois que vous serez dans une salle d'attente.