Certains auteurs utilisent une variété d'enquêteurs afin de donner des tonalités différentes à leurs récit - comme Agatha Christie qui alternait entre Poirot, Miss Marple ou les Beresford. Indridason fait ici de même en passant d'Erlendur à Marion, celle qui fut son mentor lors de ses jeunes années, mais lui ne cherche absolument pas à transformer son style ou à surprendre ses lecteurs : on est toujours face à une de ses très lentes enquêtes à l'Islandaise, où les policiers sont plus prompts à la contemplation qu'à la précipitation, et où chaque crime est présenté comme totalement incompréhensible pour une population peu habituée à la violence.
La guerre froide sert de toile de fond symbolique à ce récit à travers le duel Fischer-Spassky de 1972, mais ceux qui espèrent des métaphores tirées d'un échiquier seront déçus : le duel n'est qu'un prétexte, même si sa lenteur est un parfait parallèle avec la progression de l'enquête qui rendrait presque Wallander hyperactif. La résolution de l'intrigue est satisfaisante...si l'on a l'habitude d'être satisfait par les intridues d'Indridason. Pas de complots ou de manipulations internationales en vue, rien que les complexités et les noirceurs de l'âme humaine. En parallèle, on en découvre un peu plus sur le personnage de Marion, sans doute le second personnage le plus important de l'univers Erlendur, dont l'ombre flotte perpétuellement dans le dos du taciturne islandais.
Bref, solide et sans surprises, Indridason demeure un auteur encore plus scandinave que les scandinaves, poussant la lenteur et le réalisme le plus loin possible pour donner une lecture qui peut s'avérer relaxante si l'on cherche à se déstresser de son quotidien.