Bien plus maligne qu'elle n'en a l'air
Orphan Black n'est pas la série qui réinventera la science-fiction à la télévision. Ce n'est pas non plus elle qui vous donnera l'impression d'être dans une salle obscure de par son amplitude (comme Game of Thrones), ou qui vous scotchera en permanence à votre siège par son rythme effréné. Orphan Black a des faiblesses, un rythme qui s'essouffle par moments, des méchants - certains du moins - qui ne font pas que frôler la caricature.
Oui, mais voilà, cela n'empêche pas cette série d'être un véritable tour de force, en tout premier lieu grâce à l'abattage gigantesque de Tatiana Maslany. Certains des clones sont si singuliers que les jouer relève déjà d'une belle performance (Alison, Helena...), alors imaginez tous les jouer à la fois. Tous sont évidemment physiquement identiques (au maquillage et à la coiffure près, pour ne pas rendre les spectateurs fous), mais également fondamentalement différents ; par leur voix, par leur accent, par leur gestuelle, par leurs tics de visage.... Impossible de confondre les manières de Cosima et celles de Rachel. Et si cela ne vous suffit pas, il arrive fréquemment qu'un clone se fasse passer pour un autre.
Les seconds rôles, s'ils ne parviennent bien évidemment pas à être aussi stupéfiants que Maslany, s'en sortent avec les honneurs pour la plupart. Jordan Gavarnis, qui interprète le très gay frère adoptif de Sarah, Felix, parvient à donner énormément d'épaisseur à son personnage ; et Dylan Bruce est tellement imperturbable qu'il est toujours impossible de percer ses pensées et ses plans. Et parlant de Felix, sa sexualité est montrée avec rigoureusement les mêmes filtres que celle de Sarah ou de Cosima, ce qui est rafraîchissant tant les oeuvres télé tendent à apprécier les ellipses dès que deux hommes s'embrassent - alors que deux femmes auront quasiment le droit aux honneurs du plan séquence.
L'histoire, si elle mêle de façon classique des secrets du passé et des organisations maléfiques, demeure relativement claire et aisée à suivre. Et si les fanatiques religieux des Proléthéens sont exactement aussi stupides, hypocrites et maléfiques qu'on peut l'attendre (si ce n'est plus), les Néolutionistes - leurs rivaux qui ne souhaitent pas plus de bien aux clones - offrent au moins une certaine forme d'ambiguïté dans leur moralité. A noter que le contenu scientifique présent, s'il reste léger, a le mérite d'être cohérent, et les incursions des écrivains dans la génétique respectent les lois de base de la biologie - dans les limites du projet, bien évidemment. Et que si la première saison est essentiellement axée sur la découverte des clones et des machinations autour de leur existence, la seconde commence à poser par petites touches des questions intéressantes sur le futur de la science et des manipulations ADN.
A voir donc, rien que pour l'époustouflante Tatiana Maslany, qui de surcroît a trouvé le rôle rêvé pour devenir célèbre sans avoir à craindre de toujours recevoir les mêmes offres de casting dans le futur. De la junkie à la mère de famille, de la hippie geek à la psychopathe infantile, cette actrice sait tout faire, et même tout bien faire.