Malgré le point de vue que peuvent avoir ceux qui ne font pas partie de la communauté, les fans de Final Fantasy sont variés. Il y’a les fous furieux qui ont joué à tous les jeux, ceux qui ont commencé à un épisode et fait les suivants, ceux qui ont commencé à un épisode puis sont revenus sur des épisodes plus anciens, ceux qui ont un épisode-phare qui dans leur esprit éclipse tous les autres, ceux qui se sont arrêtés et disent que « c’était mieux avant »/ « c’est plus ce que c’était ». Aussi, un projet tel que ce Record Keeper avait tout de la bombe à retardement, car la rationalité s’envole dès que s’engagent des débats tels que savoir si le sommet de la saga de Square a été atteint à l’épisode VI, ou à l’épisode VII, ou encore qui est le meilleur méchant de la saga. Car tout favoritisme apparent mènerait immanquablement à des cris de joie de ceux qui apprécient, et de rage de ceux qui auraient préféré avoir Lightning plutôt que Kain, ou Linoa plutôt que Lenna.
Après y avoir (beaucoup, voire trop) joué, je pense pouvoir donner un avis que je considère comme relativement impartial. Avant toute chose, je tiens à dire que j’ai joué à tous les épisodes du VI au XIV sauf le VIII (et le XI, l’autre MMO), et que pour moi le meilleur est le IX. Histoire que mon orientation politique ne soit pas dissimulée.
Cloud Keeper
Oui, il y’a un certain favoritisme de la part de DeNA : ils ont un poster boy qui se nomme Cloud, et ils le mettent systématiquement en avant. Au-delà des personnages génériques obtenus dès le début du jeu, il s’agira du premier « original » qui rejoindra votre équipe, et compte tenu de sa puissance et de son accès à certaines des capacités les plus utiles (Vengeance, ou encore les Magilames, mais j’y reviendrai plus tard), il y’a fort à parier qu’il ne la quittera pas de sitôt si vous comptez progresser efficacement. Il est également le premier à avoir eu non pas une mais deux armes exclusives (qui donnent accès à des bris d’âme, qui sont les limites/overdrives du jeu), et dans quelques jours il sera le premier personnage que vous aurez l’opportunité de faire monter jusqu’au niveau 80, là où les autres sont bloqués à 50 ou 65.
Cela étant dit, il serait injuste de limiter Record Keeper à une simple publicité pour le futur remake HD de FFVII. Son nombre de donjons, par exemple, est largement inférieur à ce que peuvent proposer le IV ou le VI, et il s’agit d’un des rares jeux « plus de 16 bits » dont l’ensemble du casting n’est pas encore disponible ni prévu (Vincent et Cait Sith n’ont pas été annoncés alors que les casts du VIII, du IX ou du X sont ou seront complets dans les semaines ou mois qui viennent). D’une manière général, si les épisodes VI, VII et dans une moindre mesure VIII et X sont très présents, les donjons des autres univers ne sont pas ignorés. Et c’est à ce moment que je m’aperçois que je n’ai même pas expliqué en quoi consistait ce jeu, trop occupé à entrer dans la polémique. Reprenons.
Tableaux d’une exposition
Vous êtes Tyro, un jeune employé dans le musée du Dr Mog. Celui-ci contient des tableaux, qui sont autant de scènes extraites des jeux Final Fantasy, sauf que, horreur, un élément scénaristique dont tout le monde se fiche les fait disparaître. Tyro va donc devoir entrer dans les tableaux et revivre leurs évènements pour les sauver. Si vous ne saviez pas ce qu’était un « scénario prétexte », vous en avez ici une merveilleuse illustration.
Les tableaux, qui représentent des séquences ou donjon des jeux, sont accessibles grâce à un système d’énergie qui se recharge progressivement – pensez vies de Candy Crush. Si vous avez assez d’énergie, vous pouvez accéder aux différentes séquences du tableau les unes après les autres jusqu’à, en général, affronter le boss dans la dernière. L’affrontement quant à lui se passe selon le système le plus classsiquissime possible dans un RPG japonais, à savoir un système d’ATB (Active Time Battle, barre d’action qui se recharge progressivement) qui détermine l’ordre dans lequel vos personnages – et les ennemis - pourront agir. Chaque personnage a cinq actions à sa disposition : attaquer, défendre, utiliser une de ses deux capacités, ou passer pour laisser le tour à un autre personnage. Si vous avez joué à Final Fantasy VII, c’est exactement la même chose en évidemment simplifié, en sachant que les équipes peuvent contenir cette fois jusqu’à cinq personnages.
Bref, vous devez utiliser votre force brute ou vos capacités pour vaincre les ennemis ce qui vous octroiera de l’équipement, des orbes (qui permettent de créer ou d’améliorer vos capacités) ou des gils (qui permettent de payer pour ces capacités, ou d’améliorer votre équipement) via à la fois un système de loot en combat et des récompenses lorsque le donjon est terminé (avec un bonus quand il est « bien » terminé, à savoir vite, sans subir de dégâts, et sans que personne ne soit mis KO, avec des objectifs additionnels contre certains boss). Les équipements et les personnages ont en prime un système de synergie, qui les rend beaucoup plus efficaces quand ils se battent dans le tableau dont ils sont originaires ; ainsi, si vous vous battez dans un tableau du VII, Cloud aura des statistiques améliorées, et son épée broyeuse sera plus puissante (même si ce n’est pas lui qui la manie).
Chaque complétion de donjon dit « classique » octroie à la fois l’accès à un nouveau donjon (qui peut être la suite dans le même monde, ou bien une histoire d’un monde différent) en sachant que les tableaux suivent la trame de chaque Final Fantasy depuis le début, et qu’à l’heure actuelle la plupart ne sont pas terminés (DeNA propose de nouveaux donjons, une dizaine en général, toutes les deux semaines) , ET l’accès à une version « élite » plus difficile mais avec évidemment de jolies récompenses à la clef. Si je reprends l’exemple du VII, à l’heure actuelle, l’histoire va de l’affrontement contre le Scorpion du réacteur numéro VII au combat contre le Mur Démonique du Temple des Anciens, juste avant que vous-savez-quoi ait lieu. Pour le VIII, le tableau le plus récent est le combat contre Edea et Seifer à Balamb.
Certains tableaux offrent la possibilité de débloquer des personnages, mais il ne s’agit pas de la seule option offerte aux joueurs. Ils peuvent également participer aux donjons journaliers (qui permettent d’amasser orbes, gils, expérience ou matériaux d’amélioration d’équipement suivant le jour) ou aux évènements, qui durent en général une dizaine de jours et qui sont dévoilés au rythme d’un par semaine. Un évènement se concentre en général sur un personnage, et offre à la fois l’accès à ce personnage ainsi qu’un autre du même monde à travers une série de tableaux reprenant une partie de l’histoire du jeu (exemple : l’évènement actuel autour de Terra offre aussi accès à Cyan) et la possibilité d’obtenir les cristaux leur permettant de passer du niveau 50 au niveau 65. Ils contiennent également de l’équipement lié à ce monde, des œufs de croissance pour gagner rapidement de l’xp, des capacités ainsi que des orbes rares pour ceux qui arrivent à vaincre les boss les plus périlleux.
Collectionnite
Car là est tout le cœur du jeu : faire progresser l’équipe Final Fantasy de vos rêves, celle qui transcende les épisodes et qui n’appartenait jusque-là qu’à vos rêves. Savoir qui est le plus fort entre Cloud et Squall ? Steiner et Auron ? Bibi et Hope ? Tout devient disponible, en sachant que la plupart des évènements sont redondants, et qu’il sera toujours possible de récupérer un personnage ultérieurement si vous l’avez loupé ou commencé trop tard. Et en plus des personnages, vous commencerez aussi à collectionner l’équipement, et c’est là que le modèle économique de FFRK entre en jeu.
La ressource la plus précieuse est le mithril. Celui-ci vous est offert relativement régulièrement par le jeu en complétant des donjons, ou en vous connectant quotidiennement. Vous pouvez utiliser ce mithril pour recharger votre barre d’endurance si vous voulez continuer à jouer immédiatement (en sachant que cette barre grandit en récupérant des éclats d’endurance, eux aussi offerts par les donjons), pour augmenter la taille de votre inventaire, ou, surtout, pour utiliser un système de jackpot pour obtenir des équipements de qualité. Car la qualité des équipements va de 1 à 5 étoiles, et que les équipements 5 étoiles contiennent les plus précieux – ceux avec notamment des bris d’âme spéciaux que peuvent utiliser un ou plusieurs personnages, et qui sont généralement appelés Reliques – et logiquement les plus rares. Vous pouvez payer 5 mithril pour tenter votre chance à la roulette, et obtenir un équipement de qualité allant de 3 à 5 étoiles.
Et évidemment, l’équivalent « en euros » du mithril existe – les gemmes, payées contre espèces sonnantes et trébuchantes et qui remplissent les mêmes fonctions. On est cependant face à un véritable Free-to-Play : il est absolument possible de jouer sans payer un centime, si vous vous sentez capable de supporter le fait que, cette semaine, l’arme de votre personnage préféré est disponible avec un taux d’obtention beaucoup plus important, mais que, bon, vous n’avez pas assez de mithril pour cette fois. Car chaque évènement est accompagné de « bannières » qui sont des tirages durant lesquels l’équipement rare lié à l’évènement (tels que les armes des personnages centraux) a plus de chance d’être obtenu.
Bref, tout ça était plus de l’ordre de la présentation que de la critique, et nous sommes sur Sens Critique, donc allons finalement au but.
Pour la gloire de Wutai
FFRK est-il un bon jeu ? Et bien, en termes de contenu, indéniablement : treize univers disponibles (bientôt quatorze car Tactics semble faire son apparition), pleeeeein de personnages disponibles (plus de cinquante personnages disponibles sans compter les classes génériques actuellement), une tripotée d’équipements avec des statistiques et parfois des bris d’âme exclusifs, les plus grandes capacités et sorts de la série…il y’a largement de quoi trouver son bonheur. DeNA effectue de plus des améliorations régulières et du nouveau contenu est disponible toutes les deux semaines, en plus des évènements, pour continuer à suivre les histoires.
Techniquement, tout a été passé en 16-bits (soit la définition de Final Fantasy VI), ennemis compris, ce qui pourra en rebuter certains qui étaient habitués à voir Lightning en HD, mais est assez mignon à l’exception de quelques personnages un peu malheureux dans le design. Les images d’équipement quant à elles ont été toutes redessinées et ajoutent au côté madeleine de Proust, comme quand la roulette offre la Robe Blanche que porte Grenat lors de sa fuite d’Alexandrie. L’interface a été améliorée (les ennemis ont des barres de vie désormais) mais reste parfois confuse (difficile de trouver comment identifier les équipements et capacités accessibles pour un personnage) et est surtout, défaut #1 du jeu, très, TRES lente, avec des écrans de chargement d’une durée vraiment rébarbative.
Au final, je pense que dans l’absolu, ce jeu vaut un 7. Il propose beaucoup de contenu, et offre de véritables défis aux joueurs aguerris (Isaaru, Belias…), et est un F2P honnête qui ne vous forcera pas à sortir la CB pour continuer à avancer. Mais difficile d’imaginer des non-fans de Final Fantasy se passionner pour ce jeu de personnages à collectionner, à l’interface jolie mais d’une lenteur navrante. Donc c’est un 7 qui vaut sans doute un 5.5 pour ceux qui ne s’intéressent pas à l’univers FF et un 9 pour les fans qui rêvaient de voir Steiner et Auron combattre côte à côte.
Oh, et saviez-vous que parmi les personnages jouables se trouvent aussi certains vilains, tels que Golbez et Sephiroth, et dans le futur Beate, Jecht ou Gilgamesh ? Si cette dernière phrase vous a laissé de marbre, passez votre chemin, si par contre vous avez eu des palpitations devant votre écran, vous pouvez sans aucun risque télécharger ce titre.