Est-ce pour donner du rythme à une saga qui occupe seize tomes qu'un auteur décide, à un moment donné, de faire naître de l'antipathie dans le cœur du lecteur pour les personnages auxquels il a donné son affection au fil de milliers de pages ?
Avec ce dixième tome de la saga "Jalna", c'est un peu le phénomène que j'ai identifié. A ne pas confondre avec l'ennui car pas une seconde je n'y ai été confrontée. Non, c'est plus subtil, c'est une patine, une nuance apportées aux personnages principaux comme pour rappeler au lecteur que les personnages qui donnent vie au roman sont avant tout des humains et qu'ils ne doivent pas être idéalisés. Par ce procédé, Mazo de la Roche me donne une nouvelle preuve de son immense talent de chroniqueuse car, en effet, il est bon de faire ressortir les défauts et les qualités des personnages à parts égales car l'auteure évite ainsi l'écueil des clichés et des héros aux dons superlatifs qui finissent par perdre toute crédibilité et risquent même d'agacer à la longue.
"Le maître de Jalna" est donc un récit bien équilibré qui chahute quelque peu les habitudes dans lesquelles le lecteur s'est complu jusqu'à présent. Marque-t-il un tournant dans la suite de la narration ? C'est possible voire probable et la meilleure façon de le découvrir est encore de poursuivre l'aventure aux côtés des Whiteoak de Jalna.