Cavale mélancolique

Ce roman d'Ada et Yves Rémy se situe dans le même univers que Les soldats de la mer, un précédent recueil de nouvelles du couple Rémy paru en 1968 (oui, je sais, c'est pas tout jeune) dont j'ai déjà dit tout le bien que je pensais lors de sa réédition il y a quelques années (en 2013, mais je ne l'ai lu qu'en début d'année).

Notons toutefois que là où Les soldats de la mer tiraient davantage sur les cordes du fantastique, bien qu'ils soit dans une veine fantasy, ce n'est pas le cas pour Le mont 84 qui lorgne plutôt du côté de la science-fiction, option anticipation (comme le laisse entendre le 84 du titre).

Bref, penchons-nous sur ce Mont 84.

L'action se déroule plusieurs siècles après les évènements narrés dans Les soldats de la mer, sur un continent différent où les colonies de la Fédération (au centre du premier ouvrage) se sont développées seules, suite à l'engloutissement de leur métropole.

Plusieurs pays ont émergés, en compétition les uns avec les autres, et on comprend rapidement que les tensions sont encore vivaces entre les "Républiques populaires" et la dictature de l'Archonte général, où se déroule le récit, au sein d'une société totalitaire ultra-surveillée (Mont 84, vous vous souvenez ?).

Et c'est dans ce cadre que l'on suit alors l'histoire croisée d'un duo de bagnards en fuite et d'un jeune amoureux éploré dont les destins vont se mêler en une cavale tragique. Outre ce trio, on suivra également le parcours d'un lieutenant de police chargé de mettre la main sur les fuyards et d'une jeune femme qui aura la mauvaise idée de s'enticher de notre jeune homme.

Le récit alterne donc entre les moments de pure cavale, débouchant sur quelques fusillades bien senties avec les forces de l'ordre, et des phases plus posées et plus introspectives durant lesquelles nos hors-la-loi se mettent au vert pour se faire oublier.

Dans l'ensemble, le roman baigne dans une sorte de douce mélancolie, mâtinée de tragédie. On sent dés le départ que les personnages sont captifs du destin, qu'ils se sont choisis (pour les bagnards), ou qui s'impose à eux pour les trois autres. Et la fin, inévitable et même préméditée, ne s'annonce pas joyeuse.

N'en reste pas moins qu'on s'attache à ces personnages, dont les motivations nous resterons pourtant pour l'essentiel obscures. On en apprend juste ce qu'il faut pour qu'ils demeurent intéressants, mais pas assez pour les connaître pleinement.

Le final du roman, même s'il tient toutes ses promesses en termes de tragédie, arrive tout de même à prendre le lecteur à contre-pied en lui offrant, malgré tout, un sacré retournement de situation.

Un roman prenant, bien qu'un ton en dessous de son prédécesseur et qui tire d'avantage sur le roman noir (tant sur le fonds que la forme) que réellement sur la science-fiction, qui sert uniquement de toile de fond.