Il y a une force de la langue dans "le Roman de Jeanne" de Lidia Yuknavitch. Dans ce roman de SF totalement apocalyptique, des êtres qui n'ont plus grand chose d'humain survivent dans une station spatiale dictatoriale orbitant au-dessus d'une terre atrophiée et morte. Un résidu d'humanité asexué qui passe son temps à se scarifier pour exister encore. L'humanité s'est autoconsommée, le corps est devenu son ultime représentation, qui rêve de jouir encore quand ce n'est plus possible. Dans ce monde sans avenir, la rébellion semble une fable lointaine, que la transfiguration d'une figure de Jeanne d'Arc, comme une ultime résistance terrienne entretient. Yuknavitch nous montre combien nos comportements humains ne semblent qu'une pantomime. Les derniers humains -les engendrines- n'ont pas d'autres horizon que retourner à la matière. La vie continuera malgré nous.
Son écriture brutale, violente, dévaste tout sur son passage. Court, cruel, le roman de Yuknavitch ne laissera que des cendres dans des coeurs dévastés. Puissant ! "Nous avons inventé des histoires d'amour pour nous convaincre que l'espace infini n'est pas si infini, et que nous ne sommes pas si insignifiants."