Un drôle de texte, à cheval entre insignifiance et extravagance, mais qui a un ton et du style

C'est mon 4ème Nothomb, après Stupeur et Tremblements, Biographie de la faim (excellent) et Hygiène de l'Assassin. Et, comme les deux premiers cités, c'est un roman d'auto-fiction.
Comme on sait, l'écrivain a beaucoup voyagé dans son enfance au gré des affectations de son père, diplomate belge. D'abord au Japon (Tokyo) ; puis en Chine communiste (Pékin) où les Nothomb sont restés de 1972 à 1975, Amélie ayant alors de 6 à 10 ans ; ensuite aux États-Unis, etc.
Son mince bouquin (120 pages) est une relation romancée de cette période "chinoise" qu'elle a passé principalement dans la cité-ghetto de San Li Tun (quartier de Pékin où sont concentrées beaucoup des ambassades étrangères), mêlée aux enfants de 6 à 12, 13 ans de toutes ces ambassades.
Nothomb raconte cette histoire du point de vue de la petite fille qu'elle était, en y mêlant souvent des considérations de la jeune écrivaine de 26, 27 ans qu'elle est au moment de la composition de son texte.
Petite fille de 7 ans, elle prend son vélo pour un cheval ; s'illustre dans une "guerre des boutons" trash faisant rage entre deux clans particulièrement inégaux (une nation contre une dizaine d'autres), entre lesquels sont répartis ces fils et filles d'ambassadeurs à Pékin ; et surtout tombe folle amoureuse d'une sublime beauté de six ans : Elena, à qui elle est parfaitement indifférente, mais dont elle cherche à tout prix à se faire aimer.
L'histoire serait à dormir debout (et je dois dire que pendant les quarante premières pages, j'ai quand même dû m'accrocher pour ne pas lâcher le bouquin), n'étaient le ton, le style et une certaine drôlerie typiquement amélienothombesque, qui nous poussent à feuilleter ces souvenirs réécrits de façon à être piquants, mais sans vraiment y parvenir.
C'est anecdotique, assez insignifiant, mais très correctement écrit. Tantôt simplement, tantôt brillamment. Avec le sentiment, parfois, que Nothomb écrit comme d'autres enfilent des perles. Un exemple : "Qu'est-ce qu'une fleur ? Un sexe géant qui s'est mis sur son trente et un."
Dans Le Sabotage amoureux, il y a de la personnalité, de l'élégance, du brio. Un passage incessant de la petite fille de sept ans à la jeune écrivaine de vingt-sept. On y rencontre aussi de la préciosité, du farfelu, du déjanté (quand la petite Amélie pisse "sans les mains" entre les deux yeux d'un captif du clan ennemi), de la dérision, du nombrilisme, de la vanité.


Arrivé au bout des 120 pages (qui ne sont pas si faciles que ça à lire, parce qu'elles sont faites de mille petits riens, d'un texte travaillé, fragmenté, fourmillant de points à la ligne, grâce auxquels on saute de pensée en pensée, comme de pierre en pierre et qui nous obligent à cette gymnastique mentale), j'ai eu le sentiment d'avoir lu, non pas un mauvais livre, mais plutôt un bizarre exercice de style, un texte minutieusement écrit, sans doute moins brillant (et intéressant) que Biographie de la faim, mais qui déjà le préfigure. En somme, une demi-réussite.

Fleming
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le 3 déc. 2020

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