Construction du lien entre sacrifice védique et chrétien.

Si comme moi vous avez eu cette intuition d'une similitude entre la culture chrétienne et védique concernant le rapport au sacrifice et à la violence, mais sans savoir comment le formuler, ce livre est fait pour vous.

Il reprend trois conférences de René Girard données à la Bibliothèque Nationale François Mitterrand, qui présentent trois étapes d'une comparaison entre la façon européenne et asiatique de se représenter le sacrifice (et son rôle culturel, évidemment).

Une première étape donne la version védique au travers du récit des mythes brahmaniques. Une seconde met en lumière la proximité entre ce savoir mythologique et la perspective mimétique de Girard, mais en mettant en évidence la subtile différence qui subsiste entre les deux. Le sacrifice brahmanique est bel et bien connu de sa propre culture (ce qui en fait une culture différente des cultures archaïques qui ne conscientisent pas le rôle du sacrifice dans la production culturelle), et le sacrifice est toujours mis en avant comme ce qui compte le plus, plus même que la victime.

Mais, comme le montre la troisième partie, la désacralisation s'opère dans la perspective "chrétienne" c'est-à-dire qui non seulement met le sacrifice en évidence comme un acte particulier non-transcendant, mais aussi met la victime émissaire au centre des préoccupations pour affirmer son innocence.

Nous trouvons donc une juxtaposition intéressante des deux attentions au sacrifice, qui montre que la version védique, tout en se détachant de la violence de la foule, conserve une perspective transcendantaliste sur cet acte fondamental. Alors que la perspective chrétienne détruit le pouvoir transcendant du sacrifice. Ce qui ne va pas sans poser des problèmes énormes à la civilisation moderne en terme d'équilibre (puisqu'elle se prive elle-même d'un outil de gestion de création de la culture...).

Outre un petit condensé des idées de Girard sur la mimesis d'appropriation et le rôle fondateur de la violence dans le culturel et le religieux, les curieux de comparaison culturelle trouveront une belle porte d'entrée dans ce type de questionnement, ce livre étant bien trop court pour prétendre être un point d'arrivée. A lire pour se mettre dans une lancée de recherche !