Roman victorien
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Il est un monde étrange qui ne demande qu’à être découvert, un monde où la science côtoie les croyances populaires et où le désenchantement du monde n’a pas encore profondément changé nos convictions. C’est en Angleterre, à la fin du XIXème siècle, que nous nous trouvons. Cora Seaborne, jeune veuve et toute nouvelle passionnée de paléontologie, se retire avec son fils Francis et son amie Martha dans l’Essex, un comté proche de Londres.
C’est cependant une région secouée par l’émoi qui accueille ceux qui cherchent le calme et la distraction. Les villageois racontent qu’un tremblement de terre a libéré un monstre préalablement enfoui : le Serpent de l’Essex, vieux de deux siècles, est accusé de tuer les animaux domestiques, d’enlever des hommes ou encore de provoquer des hallucinations collectives. Dans le cadre de ses recherches et intriguée par ce mystère, Cora décide d’héberger chez la famille de William Ransome, un pasteur d’un petit village. Alors que les manifestations du soi-disant monstre sont de plus en plus fréquentes, une idylle se noue entre Cora et William.
Loin des codes du roman d’horreur présents dans les livres de Stephen King, Le Serpent de l’Essex est surtout un roman d’atmosphère où la présence du monstre est rarement avérée mais plutôt suggérée. Sarah Perry préfère se concentrer sur la petite communauté qui fait face à un danger difficilement cernable et plus spécifiquement sur les relations amoureuses qui se nouent entre les protagonistes de l’histoire : entre Sarah et William, entre Luke Garrett, le médecin de feu le mari de Sarah, et Sarah, entre Martha et Spencer, un ami de Luke, etc. La force du roman est de décrire sans miévrerie les différents stades du sentiment amoureux : la rencontre, la découverte de l’autre, la naissance des sentiments, etc. Les différents schémas possibles sont ensuite développés : de la passion interdite à la nuit furtive en passant par le refus.
C’est un roman victorien d’une grande classe que nous propose là Sarah Perry dont son premier roman, After Me Comes the Flood, avait figuré parmi les sélections du Guardian First Book. Malgré une mise en place de l’intrigue plutôt poussive, le style riche et imagé (« L’Essex a mis sa robe de mariée : il y a des ombelles mousseuses de cerfeuil sauvage en bordure de la route, des pâquerettes sur le terrain communal et l’aubépine est vêtue de blanc ») conduit une histoire où le surnaturel ne sert que de toile de fond pour mener une réflexion approfondie sur l’amour, la force de la croyance, la véritable portée des sciences ou encore les questions sociales.
« Joanna entendit, ou crut entendre, un genre de grognement ou de grincement qui se produisait par à-coups, sans ordre ni raison. Ces bruits s’interrompirent, puis reprirent, semblant plus proches : du sommet de son crâne jusqu’au bout des doigts, elle fut traversée par un terrible frisson qui la figea sur place. Il était là : il était là depuis le début, qui attendait, attendait. Ce fut presque un soulagement de penser qu’elles n’avaient pas été dupées, après tout. »
Créée
le 17 juin 2021
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