Feu
6.9
Feu

livre de Maria Pourchet (2021)

Histoire d’amour à la langue incandescente et surprenante, Feu se démarque de cette rentrée littéraire chargée.


On commence à l’apercevoir en littérature, ce virus qui nous bouffe l’existence depuis un an et demi. Sans parler de confinement et de malades, le coronavirus glisse insidieusement dans Feu, roman d’amour dans lequel on croise gel hydroalcoolique et masque FFP2. Car Feu est ancré dans une période et dans un cadre spatial (Paris et sa région surtout, l’Italie un peu) : la montre connectée de Clément rappelle constamment la date, la température corporelle, etc.


Clément et Laure n’étaient pas censés tombés amoureux, comme toute bonne histoire d’amour. Elle est en couple, mère, professeure à l’université. Lui est directeur de la communication d’une grande banque installée, bien sûr à La Défense, célibataire et heureux propriétaire d’un chien qu’il appelle Papa. Deux salles, deux ambiances. Mais au-delà de leur différence de classe (capital culturel vs. capital économique, vous connaissez votre Bourdieu), Clément et Laure s’embrasent et s’embrassent. FEU : l’amour les brûle, ou plutôt la passion, tant il est difficile de savoir vraiment ce que pense Clément de cette rencontre. Clément s’avouant lui-même perdu.


Rendez-vous à la va-vite dans un hôtel, SMS échangés, étreintes furtives : les conditions de la relation sont difficiles, mais voir l’autre se révèle plus important que tout. Laure se présente comme une véritable amoureuse, une femme qui cherche à comprendre l’être aimé. Lui n’est que dédain, presque cliché, envers tout ce qui concerne les sentiments. Il semble ne pas l’aimer, ils ne se comprennent pas.


Maria Pourchet fait preuve d’une véritable plume. Les deux amants alternent leur point de vue. Pour Laure, c’est la deuxième personne du singulier. Et pour Clément, la première, le « je » s’adressant au chien Papa, mourant peu à peu. Les deux langues sont assez différentes pour bien distinguer deux univers sociaux. On se délecte de certaines formules laconiques de Clément, de certains piques bien envoyés. Pour le plaisir d’être méchant plutôt que de s’avouer ce qu’on ressent véritablement.


« Tu reviens vers sa peau comme au front. » « Feu », c’était bien l’injonction des soldats à se lancer sur le champ de bataille, non ?


« J’ai retrouvé Laure, fou d’elle, en planque dans les oliviers. Elle ne voulait pas parler, elle n’est pas comme toi. Elle veut surtout que l’on s’assemble je crois, comme on joue. Je ne l’intéresse pas ou juste par moments, quand elle veut savoir quel enfant j’étais. Ce jour-là, je l’ai prévenue. Attention Laure, on peut tomber amoureuse comme on devient de droite, comme ils devenaient nazis. Par hasard, par mégarde. Sur un malentendu, une histoire de cul au bon endroit, la sonate numéro 23 au bon moment.
– Pourquoi tu dis ça Clément ?
Pour m’entendre. Et pour atomiser le truc avant qu’il ne m’atomise. Ca marche ?
– Pas trop.
Patience. »

JulienCoquet
8
Écrit par

Créée

le 31 août 2021

Critique lue 1.5K fois

5 j'aime

Julien Coquet

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

5

D'autres avis sur Feu

Feu
Aptiguy
9

Petit chef d'oeuvre moderne

Ce livre est intéressant car il parle d'un sujet (l'adultère) déjà traité en long, en large, en travers ; dans tous les styles et à toutes les époques. Assez audacieux donc. Et pourtant, Maria...

le 14 sept. 2021

7 j'aime

Feu
JulienCoquet
8

Amour ardent

Histoire d’amour à la langue incandescente et surprenante, Feu se démarque de cette rentrée littéraire chargée. On commence à l’apercevoir en littérature, ce virus qui nous bouffe l’existence depuis...

le 31 août 2021

5 j'aime

Feu
GauthierDel
5

Feu l'amour

Epaté par le début, la scène de la rencontre, magistralement écrite. Emu par la fin, par les évènements dramatiques qui se succèdent. Mais entre les deux, l'ennui. Dans l'écriture il y a du style,...

le 12 oct. 2021

4 j'aime

Du même critique

Le Fils de l'homme
JulienCoquet
6

Hostile, la nature

Cinquième roman du lauréat du Goncourt du premier roman pour Une éducation libertine en 2008, Le Fils de l’homme se présente comme un survival où une mère et un fils se retrouvent confrontés à la...

le 20 août 2021

7 j'aime

1

3
JulienCoquet
5

Un livre hors-sol

Le philosophe et sociologue revient sur l’amitié particulière qu’il entretient avec Edouard Louis et Didier Eribon. Si le livre est présenté comme un manifeste, il s’empêtre rapidement dans des...

le 14 avr. 2023

5 j'aime

1

Feu
JulienCoquet
8

Amour ardent

Histoire d’amour à la langue incandescente et surprenante, Feu se démarque de cette rentrée littéraire chargée. On commence à l’apercevoir en littérature, ce virus qui nous bouffe l’existence depuis...

le 31 août 2021

5 j'aime