Histoire d’amour à la langue incandescente et surprenante, Feu se démarque de cette rentrée littéraire chargée.
On commence à l’apercevoir en littérature, ce virus qui nous bouffe l’existence depuis un an et demi. Sans parler de confinement et de malades, le coronavirus glisse insidieusement dans Feu, roman d’amour dans lequel on croise gel hydroalcoolique et masque FFP2. Car Feu est ancré dans une période et dans un cadre spatial (Paris et sa région surtout, l’Italie un peu) : la montre connectée de Clément rappelle constamment la date, la température corporelle, etc.
Clément et Laure n’étaient pas censés tombés amoureux, comme toute bonne histoire d’amour. Elle est en couple, mère, professeure à l’université. Lui est directeur de la communication d’une grande banque installée, bien sûr à La Défense, célibataire et heureux propriétaire d’un chien qu’il appelle Papa. Deux salles, deux ambiances. Mais au-delà de leur différence de classe (capital culturel vs. capital économique, vous connaissez votre Bourdieu), Clément et Laure s’embrasent et s’embrassent. FEU : l’amour les brûle, ou plutôt la passion, tant il est difficile de savoir vraiment ce que pense Clément de cette rencontre. Clément s’avouant lui-même perdu.
Rendez-vous à la va-vite dans un hôtel, SMS échangés, étreintes furtives : les conditions de la relation sont difficiles, mais voir l’autre se révèle plus important que tout. Laure se présente comme une véritable amoureuse, une femme qui cherche à comprendre l’être aimé. Lui n’est que dédain, presque cliché, envers tout ce qui concerne les sentiments. Il semble ne pas l’aimer, ils ne se comprennent pas.
Maria Pourchet fait preuve d’une véritable plume. Les deux amants alternent leur point de vue. Pour Laure, c’est la deuxième personne du singulier. Et pour Clément, la première, le « je » s’adressant au chien Papa, mourant peu à peu. Les deux langues sont assez différentes pour bien distinguer deux univers sociaux. On se délecte de certaines formules laconiques de Clément, de certains piques bien envoyés. Pour le plaisir d’être méchant plutôt que de s’avouer ce qu’on ressent véritablement.
« Tu reviens vers sa peau comme au front. » « Feu », c’était bien l’injonction des soldats à se lancer sur le champ de bataille, non ?
« J’ai retrouvé Laure, fou d’elle, en planque dans les oliviers. Elle ne voulait pas parler, elle n’est pas comme toi. Elle veut surtout que l’on s’assemble je crois, comme on joue. Je ne l’intéresse pas ou juste par moments, quand elle veut savoir quel enfant j’étais. Ce jour-là, je l’ai prévenue. Attention Laure, on peut tomber amoureuse comme on devient de droite, comme ils devenaient nazis. Par hasard, par mégarde. Sur un malentendu, une histoire de cul au bon endroit, la sonate numéro 23 au bon moment.
– Pourquoi tu dis ça Clément ?
Pour m’entendre. Et pour atomiser le truc avant qu’il ne m’atomise. Ca marche ?
– Pas trop.
Patience. »