Quand une oeuvre a si peu de notes, faire une critique dessus revient à écrire à soi-même, mais qu'importe si celle-ci nous a marqué. Cette découverte du philosophe Lévinas a été passionnante pour moi et surtout a été vécue intensément. J'ai eu une série de crises d'angoisse après avoir lu les nombreux chapitres sur la solitude. J'ai eu des interactions chaleureuses avec des femmes alors que je lisais les chapitres sur l'hypostase et donc l'instant présent. Je suis tombé à vélo en pensant au chapitre sur l'hypostase et la souffrance physique, et force est de constater que c'est une expérience intéressante quand on ne se blesse pas trop gravement, car c'est ainsi qu'on prend conscience d'une part du hasard de l'instant, mais aussi de l'intensité que lui procure la douleur.
C'est finalement une philosophie très sombre, où tout s'articule sur l'idée de la solitude absolue de l'existé. Chacun est un sujet, seul, désespérément seul, encombré d'un corps, avec une maîtrise totale sur notre existence ce qui fait notre identité, mais avec l'impossibilité du néant, et donc ravagé par l'angoisse. Tout est saisi par le biais de la lumière, finalement tout est subjectivité, nous prenons plaisir dans la vie matérielle, et ses nourritures épicuriennes, mais nous n'avons même pas choisi d'être ou de ne pas être. Si le présent est maîtrise virile, l'avenir s'annonce par l'altérité de la mort, sur laquelle nous ne saurons rien, nous ne décidons rien, nous ne serons même plus sujet. Entre temps, nous ne sommes pas avec les autres dans notre vie, précisément l'autre est tout ce que nous ne sommes pas, il n'y a pas lieu à maîtrise, à communication, à compréhension quand il s'agit d'altérité. Notre existé est seul, et pour cela l'amour ou quelconque relation est ridicule par définition, l'idée de fusion, de complémentarité, de genre n'a aucun sens également.
La seule échappatoire à cette philosophie morbide à la fois existentialiste et tragique, c'est bien évidemment l'Amour, mais pas en ce qu'elle rend heureux, ou je ne sais quelles autres mièvreries, c'est par la chance de procréation qu'elle procure à l'existé, qui pourra enfin sortir de sa solitude, en créant une altérité, enfant, qui sera une partie de lui, sans être lui. C'est le tableau de la vie qui nous est dressé ici sous la forme de courts chapitres à déguster. Un livre vraiment marquant !