Anton, jeune yougoslave vivant dans un port de pêche de l’après-guerre, se lie avec un ivrogne débarqué d’un yacht occidental, ancien universitaire spécialiste de la piraterie caribéenne. Ce clochard, en échange d’un rhum infect, lui raconte une histoire fabuleuse : un pirate inconnu aurait abordé puis naufragé de nombreux bateaux et amassé un trésor gigantesque caché dans une ile déserte.
De ce pirate, on ne connaît ni le nom, ni le destin, ni la fin, mais juste un récit de jeunesse et une relation avec un étrange vaisseau. C’est suffisamment de mystères pour Anton, qui, immigré aux Etats-Unis et devenu le commandant Petrack, célèbre aventurier des mers, se relance dans sa chasse après une rencontre avec une jeune fille dont la famille poursuit les mêmes recherches depuis plusieurs générations.

18 ans de préparation, plusieurs années d’écriture, 1280 pages et 1,6 kg en main, il est bien difficile de résumer une œuvre si monumentale. Si le roman possède une ligne directrice forte, il aime prendre un cours sinueux, à la fois dans l’espace, dans le temps et dans la forme de la narration. Entre l’adolescence d’Anton et sa dernière aventure, l’auteur va nous entraîner dans un grand nombre de lieux et d’époques, pour des récits secondaires qui auraient pu constituer des novellas ou des romans à eux seuls. La jeunesse du pirate sans nom, véritable récit initiatique d’un enfant chef de bandes, la légende nomade, pastiche biblique des errances physiques et morales d’une tribu perdue, ou le fléau des mers, pièce de théâtre en plusieurs scènes située sur un drakkar, sont autant de morceaux d’un puzzle qui s’assemble lentement dans la tête du lecteur. Les liens entre les différentes parties, ténus et multiples, nécessitent une lecture attentive de l’œuvre (je n’ose en recommander plusieurs ... ) pour ne pas rater l’intérêt de certaines parties, lecture attentive aidée par un style impeccable, riche sans être précieux. Ajoutons à cela les réécritures de mythes religieux (l’arche de Noé) ou païens (la fontaine de jouvence) apparaissant sous diverses formes au gré du roman, et l’on comprendra la richesse du livre et son volume conséquent.

Bien sur, on pourra trouver trop longue telle ou telle partie, penser qu’une pièce n’apporte pas suffisamment à l’intrigue, mais rien n'est gratuit, et Jean-Claude Marguerite sait, en changeant brutalement de lieu et d’époque, relancer la machine grâce à des passages mystérieux et des scènes haletantes. Lorsque l’histoire bascule franchement dans le fantastique au bout d’un millier de pages (tout de même !) et rassemble les éléments dispersés tout au long du récit, le lecteur ne peut que tirer son chapeau à l’auteur qui a su le mener jusqu’à un huis clos final déroutant.

Les pirates sont décidément à l’honneur : si 2009 a été marqué par le déchronologue de Stéphane Beauverger, 2010 pourrait être l’année du Vaisseau Ardent ; deux romans radicalement différents et tout aussi réussis renouvelant la mythologie du récit d’aventure maritime.
rmd
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le 6 févr. 2013

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