Enlevés par des Papous révolutionnaires, un groupe de touristes occidentaux va vivre l'enfer dans la jungle de Nouvelle-Guinée.
Roman dense, riche en personnages et en émotions, « Le cannibale et les termites » de Stéphane Dovert fait partie des bonnes surprises de la rentrée littéraire française. Un texte très éloigné de la platitude ambiante, nombrilique et bien pensante. Il se rapproche plus d'un roman américain, avec du souffle, des idées et des situations exceptionnelles mais tout à fait plausibles.
L'auteur débute par un tour d'horizon des personnages principaux. Des gens normaux qui vont se retrouver par hasard au mauvais endroit au mauvais moment. Des touristes, partis en excursion pour une journée dans la forêt de Papouasie occidentale, région rattachée à l'Indonésie. Il y a Ludivine, l'enseignante idéaliste, rejetant le système éducatif classique, mais bien incapable de trouver une alternative efficace. Aymeric, l'ingénieur agronome, spécialiste de la noix de cajou, profitant de sa situation professionnelle pour voyager et collectionner les conquêtes : « Depuis près de trente ans, Aymeric n'avait cessé de courir le monde en chasseur qui, aux trophées des gazelles africaines, veut ajouter à son mur celui de l'Ariane du Pérou et de la tigresse du Bengale ». Aymeric qui aimerait bien conclure avec Ludivine...
Vanessa et Fabien forment un couple au bord de l'implosion. Elle, jeune cadre dynamique, étouffe dans la petite ville de Melun. Lui, au chômage depuis peu de temps, est passionné par les avions. C'est lui qui a eu l'idée de ce voyage en Papouasie. Enfin il y a Peter. Le seul américain du groupe. Ce millionnaire, héritier de l'empire forgé par son grand-père (des restaurants spécialisés dans le poulet grillé), est accompagné de Jalizar, jeune Indonésien, son amant. Peter insaisissable et peu communicatif, « lorsqu'il parlait, sa bouche était comme disloquée. La commissure de ses lèvres se lançait dans un ballet antagoniste. Lorsque la partie gauche se relevait, la droite s'affaissait automatiquement ; comme s'il ne pouvait jamais vraiment choisir un sentiment. L'apparence était néanmoins trompeuse. Il était en permanence submergé par ses sentiments. » Pour compléter vous rajoutez une veuve retraitée, Monique et un guide, Leonardus.
La balade en pirogue se déroule sans problème. En fin d'après-midi, petite escale pour siroter un verre. C'est là que le groupe tombe sur une demi-douzaine de Papous indépendantistes. « Ils portaient tous une arme en évidence, arc, machette ou fusil. Le plus âgé était affublé d'un vieux revolver et une immense canine de cochon lui traversait le nez. » Les Papous trouvent des arguments pour obliger le groupe d'occidentaux à les suivre. Commence alors un long périple dans la forêt, hostile et agressive. Une marche forcée qui va durer plusieurs semaines, modifiant sensiblement la perception du monde de ces hommes et femmes n'ayant jamais vécu que dans le confort et la sécurité.
On apprécie spécialement les descriptions de cet univers vert, humide et sans fin. Les escales dans certains villages sont riches en découvertes. Mais les touristes restent avant tout des otages que les militaires indonésiens ont bien l'intention de libérer. Coûte que coûte... On ressort complètement moite de ce roman allant crescendo dans la violence : un effet conjugué de la forêt humide et du machiavélisme des humains.