Aïe aïe aïe Ouille
Je m'attendais, comme pour toute séquelle/préquelle qui se respecte à ...Pas grand chose. Heureusement. Bon, ça élargit l'univers du roman d'origine, ok. Je me suis agacée au fur et à mesure sur les...
Par
le 6 janv. 2019
Alors, par où commencer?
Comme beaucoup de lecteurs d'Autant en Emporte le Vent, je me suis souvent demandée ce qui allait arriver aux personnages, suite à une fin inspirante et célèbre pour son ouverture vers de nombreuses possibles autres intrigues. Je me suis retrouvée en conflit, alternant entre sympathie et irritation pour chacun des personnages, leurs actes, pensées. A chaque lecture des émotions différentes, des affinités différentes, un angle différent d'attaque.
Ici? Un récit fade, avec des personnages qui ne portent que le nom des différents protagonistes, aussi solide qu'une pincée de paillettes sans scintillement durable (eh oui, une référence à la fameuse citation sur l'amour de Scarlett pour les paillettes). Tout simplement parce-que l'auteur ne semble qu'avoir survolé le roman original, et n'a cherché à comprendre (et mal en plus, possiblement par envie de présenter une "figure virile héroïque") qu'un seul personnage.
Et quel personnage! Le flamboyant Rhett Butler en personne, insaisissable, malin, sarcastique, provocateur, incroyablement généreux quand son intérêt l'y incite, et j'en passe... Mais tout aussi raciste que la société qu'il critique et dont il fait partie. Il s'agit d'un homme qui, s'il a eu quelques moments "passablement gentils" décrits avec certains esclaves dont Mammy, n'a pour ainsi dire jamais été abolitionniste et a même tué un ancien esclave car il a été insolent ("uppity") envers une dame. C'est par ailleurs un sacré hypocrite, qui aime à pointer l'hypocrisie chez les autres, mais qui n'est pas sans contradictions.
Ici, il fait figure de héros incompris, son racisme inhérent étant distordu pour rationnaliser l'idée folle qu'il est un ange de tolérance, l'accident décrit ci-dessus étant transformé en acte de sympathie, de pitié. Chacune de ses erreurs, cruautés, est ainsi détournée, voire oubliée. Oubliés les moments de misogynie, chaque fois qu'il aide une femme est extrapôlé pour en faire presque un féministe, aidant certaines femmes à s'apprécier davantage sans artifice (cf Belle, qui n'apparaît que pour en donner une nouvelle "preuve"). Le cadeau d'un châle, brièvement mentionné dans le roman comme un autre des cadeaux de Rhett, devient bizarrement une preuve d'amour véritable cruellement rejetée par la méchante Scarlett. Aucune mention de ses moqueries de plus en plus cruelles (pas de "Caveat Emptorium") envers celle qu'il aime, et le fameux épisode de la fausse couche. Aucune ambiguité, pour un portrait lisse qui n'a pas de saveur d'un homme présenté comme un sauveur qui par sa divine intervention résout les conflits de chacun en peu d'effort, du moment qu'on l'y implore.
Et que dire de l'héroïne originale? Que dire de sa fougue, de sa volonté têtue d'avancer dans sa vie, de préserver les siens et sa terre natale? Du long chemin qu'elle traverse, semé de (dés)illusions et de traumas qui vont marquer sa personnalité à jamais, faisant d'une belle sudiste frivole, ignorante mais maline et incroyablement égocentrée et vaniteuse, aux rêves de devenir une grande dame comme sa mère, une femme dure et survivante, à la recherche d'un havre qui semble lui échapper à chaque pas?
Pour tout résumer, il suffit de reprendre le Rhett de cette suite, qui dès qu'il la revoit, la fait taire et lui dit de ne rien ruiner. Exit l'évocation du traumatisme de Scarlett, on est face à l'ombre d'une femme stupide (pas ignorante, vraiment stupide) et capricieuse, qui dédaigne les présents subtils de son prétendant martyr, et qui au final attend son retour sagement, et n'a qu'un seul moment d'initiative qui échoue lamentablement jusqu'à ce que son Rhett vienne faire le travail. Toutes ses fautes sont exacerbées, exagérées, ses bons moments ignorés, qualités déniées (même son célèbre sens pratique!), au point qu'à la fin, on ne comprend même pas ce que ce Rhett lui trouve. Par ailleurs, elle est bien punie à la fin
car attention, Tara, ce pour quoi elle s'est tant battue, va brûler dans un rebondissement qui tombe à plat et qui se centre plus sur une brève description du supposé héroïsme de Rhett plutôt que sur sa propre souffrance, qui doit être extrême au vu de ce qu'elle a déjà enduré, et de ce que représentait la plantation pour elle.
Aucune mention de son sens des affaires, de sa capacité de raisonnement qui est bien présente dans le roman original malgré sa tendance à ne pas envisager le long court.
D'autant plus que l'auteur semble avoir oublié qu'avant la fameuse nuit du roman, Scarlett fait figure de prude, dotée d'une sensualité peu consciente, mais trop muselée par les normes des dames de l'époque, et qu'elle ne voit pas trop l'intérêt au départ de la sexualité si ce n'est que pour la grossesse, qu'elle n'apprécie pas tellement d'ailleurs (et que par ailleurs, le Rhett original est trop occupé à cacher ses sentiments pour vraiment l'y éveiller comme il pourrait le faire)
L'addition de personnages comme Rosemary Butler, d'une intrigue centrée sur elle, apporte bien peu d'intérêt au récit. Melanie Wilkes fait une bien étrange Salomé, et perd de son frais optimisme par d'autres moments décrits dans ce livre qui la fait assister à des événements sans vraiment y réagir par la suite. Ashley s'en tire à bon compte parce-que, haha, apparemment ce n'était que la faute de Scarlett et lui n'était que victime de sa passion.
Seule une partie du dialogue lors d'un "bal de mûlatres" m'a fait sourire, a fait apparaître un bref fantôme des personnages, mais c'était trop peu, et en y repensant, peu vraisemblable.
Soyons honnêtes. Le récit original est teinté de racisme et de misogynie (ou du moins, on dirait de la conception de l'époque de l'auteur, et de celle qu'elle décrit). L'oublier, le nier ne sert à rien, et ne fait que le souligner davantage par son accent faux. A trop vouloir justifier les mauvais agissements d'un personnage pour l'idéaliser, on ne rend que ces problématiques plus prégnantes parce-qu'elles sont aussi excusées quand elles ne devraient pas l'être.
J'ai lu des fanfictions qui étaient mieux écrites que ce livre. Plus nuancées et riches. Et encore, je n'ai pas été en détail au niveau des nombreuses coquilles. Passer du français à la version originale du texte n'a pas arrangé les choses.
Créée
le 20 juil. 2022
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